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Franco-Hungarian Literary Relations

GAR252

Date: 09-11-1965
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (03-07-2017)
Folio number: 2

Cher Ladislas

Il faut bien que tu comprennes mes raisons. Il m’est intolérable de voir sur la couverture de ce livre : « traduit par A. M. de Backer ». Tous simplement parce que ce n’est pas vrai. Si l’on met : « traduit par L. Gara, avec la collaboration d’A. M. de Backer », c’est la vérité. Même si cette malheureuse n’a fait que brouiller un texte qui l’était déjà suffisamment. Et cela lui vaudra les mêmes honneurs, puisque c’est bien l’honorer que tu veux. En ce qui concerne ma signature, je ne vois même plus pourquoi elle doit figurer. Ce qui s’est imprimé, ce n’est plus le texte que j’avais établi, mais un texte établi par G. Charaire et je ne sais plus combien de personnes qui ont apporté leur grain de sel. Si j’accepte encore ce qu’on me demande – alors qu’on ne devrait rien me demander – savoir : corriger les épreuves et rectifier, dans la mesure du possible, les sottises syntaxiques et les trop graves entorses faites à l’oeuvre. C’est parce que j’aime Illyés et veux lui éviter un trop grand ridicule. En maints endroits, ce que j’ai sous les yeux est affreusement rédigé, chaque fois que quelqu’un – qui ? – y a mis la main, les ciseaux et le reste.

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L’autre « affaire » m’est au moins aussi pénible – admettre que tu n’en sors pas responsable. Mais alors qui ? Les deux poèmes « incriminés » sont indiqués comme ayant été traduits, l’un par A.M. de B., l’autre par toi. Or, tu m’as fait recommencer, parce qu’elles étaient infectes, les versions établies par la dite A.M. de B. et je me rappelle avoir tout spécialement travaillé le seconde poème, y avoir introduit toute une rythmique, et c’est bien ma version qui est imprimée dans la NRF. Alors que je le suis en delicatesse avec cette revue depuis 1946, alors qu’il y avait là une occasion unique de me rapprocher d’elle, via {Arland|} qui fut mon ami autrefois et qui n’attend sans doute qu’un mot, dit par toi ou Jules par exemple, pour que les portes me soient ouvertes sans que j’aie à y frapper (ce que mon orgueil bien connu m’interdit de faire... depuis 1946 (voir plus haut) ; alors que, d’autre part, s’agissant d’un hommage à Illyés, il n’était que justice que j’y fusse associé, comment ne seais-je pas furieux, et furieux contre toi, qui es et as toujours été la seule cheville ouvrière ? de toute cette hongroiserie depuis plus de dix ans ?

Note bien que je n’ai rien contre A.M. de B. J’ai dit, écrit, et je redirai, je récrirai qu’elle est un poète de talen – ce qui n’infirme en rien mon opinion plus que fâcheuse sur ses talents d’adaptatrice –. Mais bel et vexant pour moi (comme pour Paul...) que tu fais d’elle. J’ai déjà remarqué, sans rien dire, l’abondance, dans les épreuves du livre sur Illyés, des citations et des poèmes « traduits » par elle, le petit nombre de celles qui me sont empruntées. C’est ton affaire. Même si cela doit – et même chose pour Ady – desservir le poète que tu veux servir.

Voilà, je t’ai tout dit. J’en ai marre de collaborer à la N.R.F. sous le nom de Sőtér ou de Gara quand ce n’est pas sous celui d’A.M. de B. Marre de refaire le travail des Manoll, Appercelle, et compagnie, quitte à lâcher mon gagne-pain pour t’être agréable et que chacun, sauf moi, y trouve son compte de gloriole et de menus bénéfices. Ce n’est pas à moi de « refléchir », comme tu m’y inirtes, mais bien à toi et à toi seul. Et d’essayer de réparer l’outrage que je subis. Car c’est un outrage et je ne suis pas homme à le supporter.

A toi, bien tristement

J. Rousselot