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Franco-Hungarian Literary Relations

GAR407

Date: [1957-1961?]
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Speech
Publisher: Tüskés Anna (24-07-2017)
Folio number: 1

Liberez Tibor Déry !

Les intellectuels français se réjoiront d’apprendre que s’ouvre en Sorbonne une exposition de livres hongrois répondant à une exposition de livre français à Budapest. L’occasion sera ainsi fournie, comme en pareil cas, de souligner les traits communs aux génies des deux nations et de célébrer la fécondité de ces échanges culturels. Mais est-il sûr que ces manifestations ne seront pas explitées précisément pour trahir ce qu’il s’agit de servir, pour camoufler le régime de discrimination imposé à la production littéraire en Hongrie et la répression dont nombre d’écrivains y sont encore victimes ?

Là-bas, sans parler des exécutés et des suicidés, des disparus et des exilés, vingt-quatre auteurs de renom, publicistes ou universitaires sont sous les verrous, dont plusieurs condamnés à perpétuité comme un éminent sociologue, le professeur Istvan Bibo. Et celui d’entre eux qui fut un des meilleurs artisans du rapprochement littéraire franco-hongrois, Tibor Déry, romancier illustre traduit en dix-sept langues, mais aussi remarquable traducteur d’oeuvres françaises, reste incarcéré au secret ainsi que le dramaturge Gyula Hay, avec lui jugé à huis clos au mépris des garanties les plus élémentaires de la justice.

En faveur de ce grand humaniste et de ses compagnons, les protestations et démarches n’ont guère cessé : Roger Martin du Gard, Camus, Mauriac, le P.E.N. français, Sartre et les Temps Modernes, Maurice Nadeau et les Lettres Nouvelles, J.-M. Domenach et Esprit, Claude Roy et France-Observateur, Jean Cassou et le comité Tibor Déry, Martin-Chauffier et l’Union des Ecrivains pour la Vérité, T.S. Eliot, Bertrand Russell, Madariaga, Jaspers, Silone, Moravia, Vittorini, Carlo Levi, la Fédération Internationale des Droits de l’Homme, et tout récemment le P.E.N. International, et la Quatrième Biennale Internatonale de Poésie, à l’appel de Pierre Emmanuel. Mais rien n’a pu fléchir le gouvernement chargé de faire exécuter à Budapest les ordres de la puissance occupante. Est-ce au ressentiment ou à la crainte qu’il faut attribuer cette obstination ? En quoi la liberté rendue à la vie de l’esprit en Hongrie menacerait-elle le colossal Empire soviétique ? Quel socialisme défend-on en imputant à crime la conscience et l’intelligence ?

Louis de Villefosse, Secrétaire du comité Tibor Déry