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Franco-Hungarian Literary Relations

GAR416

Date: [In or after 1961, when Déry was released]
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Speech
Publisher: Tüskés Anna (24-07-2017)
Folio number: 2

Les rencontres entre les victimes d’une grave injustice et leurs défenseurs après la victoire de leur cause ont été souvent décevantes, voire pénibles. Après sa libération, Dreyfus s’est fâché sérieusement avec les principaux dreyfusards.

On aurait pu craindre que pareils incidents ne se produisent entre Déry et ceux qui ont combattu pour lui pendant près de quatre ans.

Or il n’en a rien été. C’est que Déry, contrairement à Dreyfus, a été et reste en étroite communion de pensée avec ses défenseurs et qu’il a très bien pu se rendre compte de l’efficacité du mouvement pour lequel il a servi de drapeau, bien entendu un peu malgré lui. Nous savons aujourd’hui que son procès à huit clos a commencé dans une atmosphère sinistre qui laissait prévoir une condamnation à la peine capitale ; que ce procès a été brusquement interrompu vraisemblablement sous l’effet de la protestation universelle et a sa reprise, le climat était bien plus « serein ». Nous savons aussi que la libération de Déry et de Hay a été précédée d’un véritable marchandage ; que sans la pression internationale elle n’aurait eu lieu probablement que des années plus tard, et que sans cette pression Bibo, dont le cas était très délicat – puisque accusé d’intelligence avec l’ennemi – serait sans doute encore en prison.

De tout cela, Déry reste parfaitement conscient. Aussi a-t-il tenu à remercier tous ceux qui ont livré bataille pour sa délivrance. C’est la raison pour laquelle il est allé sans hésitation au cocktail offert par de Villefosse auquel ont assisté les principaux membres du Comité Déry : Cassou, Nadeau, Flamand, etc et c’est pourquoi il a éprouvé tant de joie à participer au diner donné par Pierre Emmanuel. A ces deux occasions et à d’autres encore il a su trouver les formules discrètes qui convenaient pour que chacun des assistants sache combien était profonde sa reconnaissance.

Un problème assez délicat s’est posé pour lui dans ses rapports avec le PEN français. Comme on s’en souvient, les dirigeants du PEN français et particulièrement Chamson et de Beer, ont toujours tout fait pour torpiller l’action du Comité Déry et pour condamner cette « agitation tumultueuse et intéressée ». Déry n’en savait rien, bien entendu. Or, l’hiver dernier, au cours d’un voyage des dirigeants français en Hongrie, de Beer a invité Déry et sa femme à passer un mois à la maison du PEN à Paris. Déry a accepté avec joie. Mais quand il a appris le rôle joué par le PEN français dans cette affaire et deviné que par cette invitation de Beer voulait à la fois se justifier et infliger un camouflet aux défenseurs de Déry, l’écrivain hongrois s’est excusé dans une lettre assez diplomatique. Il n’aurait peut-être pas vu les dirigeants du PEN français s’il n’avait pas fait adresser son courrier à la maison du PEN à Paris. Lorsqu’il a téléphoné pour que ses lettres lui soient envoyées à son hôtel, on a passé l’écouteur à de Beer qui a saisi cette occasion pour l’inviter à déjeuner avec les Président du PEN, Yves Gandon.

Ce déjeuner a eu lieu, mais Déry a poliment refusé la proposit, qui lui a été faite d’organiser un cocktail en son honneur au PEN français.

La plus grande partie du séjour de Déry à Paris a dû être consacré à trancher conflit entre ses éditeurs. L’automne dernier, les éditions Albin Michel a acheté à l’Office Hongrois pour la protection des droits d’auteur l’ensemble des oeuvres de Déry. Or, pendant qu’il était en prison, son représentant, le Professeur Szilasi, a donné une option au Seuil. Déry a tenu à ce que cette option qui, juridiquement était contestable puisqu’elle n’émanait pas de l’autorité compétente selon la loi hongroise, fut néanmoins respectée et les duex éditeurs ont finalement conclu un compromis qui les ont satisfaits l’un et l’autre.

Avant de quitter la Hongrie, Déry a promis qu’il ne chercherait pas à entrer en contact avec des émigrés, mais il a ajouté que si ceux-ci venaient le trouver, il ne refuserait pas de les voir. L’engagement a été tenu et Déry a vu ses amis émigrés.

En résumé, le séjour de Déry en France a été non seulement marqué par de nombreux moments émouvants mais il a été aussi fort utile pour certaines mises au point. Il a permis de fournir une nouvelle prueve des possibilités réelles de la lutte contre l’arbitraire.