GAR436
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (29-07-2017)
Folio number: 1
Cher Ami,
Je serai extrêmement désireux de voir poser par vous devant la réunion du Pen Club une question qui me parait intéresser très directement le problème de la libre circulation des idées et de leurs moyens d’expression. Je veux parler du cas du récit de Jozsef Lengyel paru dans le numéro de janvier de la revue Uj Iras.
Depuis le début de l’année, j’ai demandé à plusieurs reprises une option sur ce texte, par télégramme d’abord, puis par lettre. Le Bureau Hongrois des Droits d’Auteurs m’a d’abord fait savoir que la publication de ce texte ne pouvait être envisagée que si d’autres nouvelles du même auteur étaient publiées conjointement. J’ai donné mon accord de principe sur ce point en demandant que l’auteur me fasse connaître ceux de ses écrits qu’il souhaitait voir figurer dans le volume. Là-dessus, le Bureau Hongrois des Droits d’Auteurs a fait un pas en arrière et s’est borné à me dire que les droits du récit de J. Lengyel n’étaient pas libre – et cela bien que j’ai eu par d’autres voies l’assurance qu’aucune demande d’option d’un confrère français n’avait précédé la mienne. Je suis extrêmement étonné qu’un texte qui a été publié en Hongrie – et d’une manière très remarquée – se voit ainsi refuser son visa de sortie. L’U.R.S.S. elle-même manifeste en cette matière un libéralisme qui peut servir d’exemple ainsi qu’en témoigne notamment la publication en France du roman de Soljenitsine ou du livre de Nekrassov : Kyra que nous avons édité cette année. (Je vous signale d’ailleurs que le cas de Kyra est exactement analogue à celui de la nouvelle de Lengyel : en effet nous en avons acheté les droits à partir du texte publié en revue et qui n’a été édité que beaucoup plus tard – en fait quelques semaines seulement avant la mise en vente de notre traduction).
Je ne puis croire que la décision qui m’a été communiquée par le Bureau Hongrois des Droits d’Auteurs soit l’expression délibérée d’une décision pleinement responsable et j’imagine que l’explication du refus qui nous a été opposé doit être cherchée dans le maquis des mesures de routine administrative. Mais je tiens précisément à ce que les écrivains des divers pays et naturellement en premier lieu les écrivains hongroisaient conscience de la gêne que les éditeurs occidentaux éprouvent du fait de telles mesures et du découragement qu’elles risquent même à des maisons aussi résolues que la nôtre à pratiquer une accueillante politique d’échanges culturels.
Croyez, je vous prie, Cher Ami, à mes sentiments les meilleurs.