GAR012
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (23-05-2017)
Folio number: 2
Cher Monsieur,
J’avais bien reçu votre envoi du 9 novembre et, effectivement, les deux traduction d’Attila Jozsef que vous m’avez envoyées m’avaient plongé dans une grande perplexité, mais non pas, comme semblement vous l’avoir dit Guillevic et Dobzynski, parce que vos traductions manquaient de clarté : bien plutôt parce que, ignorant le texte hongrois et placé en face d’elles, je leur trouvais, dans leur brièveté, le caractère de poèmes achevés auxquels je ne voyais vraiment pas ce que je pouvais ajouter. En général, je suis assez maladroit au travail de traduction, et pour moi une traduction de poème ne consiste pas à ajouter des rimes de mon cru à un mot-à-mot fait par quelqu’un d’autre. J’ai l’habitude d’ailleurs de donner les « quelques traductions » que j’ai pu faire, non pour le texte de l’auteur originel, mais pour des adaptations de ma part. Il m’est arrivé d’en faire de l’Italien, de l’Anglais, de l’Allemand, du Portugais et du Russe. Mais ce sont là des langues que je connais plus ou moins bien, assez toutefois pour me faire une idée directe du poème original.
Certes, cela ajoute au poème « Encouragement » que d’avoir, à son sujet, les détails que votre seconde lettre du 14 novembre me donne. Néanmoins, pour celui-ci comme pour l’autre, je ne me sens absolument pas qualifié, au bout du compte, pour y mettre la main.
Pour « La Berceuse », vous me dites que la musique y importe plus que le texte : je ne vois pas alors ce que vient faire ici un traducteur qui ne connait même pas la musique de la langue originelle, et qui n’y aperçoit, en tout cas, absolument pas la couleur folklorique qu’elle doit cependant avoir, d’après ce que vous dites.
Pour le second poème, puisqu’il s’agit bien là d’un des poèmes les plus souvent récités d’Attila, ce serait de ma part une légèreté incroyable que de l’accommoder à ma sauce, quand rien ne m’est plus étranger que l’atmosphère d’un asile de nuit en Hongrie aux environ de 1933.
Je m’excuse de tout ceci et plus particulièrement de longueur de cette lettre. Veuillez y voir l’expression de mon extrême débarras et du regret très vif que j’ai de ne pouvoir collaborer à une entreprise à laquelle j’eusse été très honoré de me joindre. Ajoutez, en plus, que la dimension des poèmes n’y fait rien avec quelqu’un comme moi que je travaille très lentement sur une traduction ; que j’ai le respect de la poésie et qu’il me faut toujours, même quand je crois avoir réussi un travail de ce genre, le laisser reposer quelque temps pour le revoir ensuite et le reprendre avec d’autres yeux.
Le caractère extrêmement pressé, cette fois, de votre demande, me fait donc un double devoir de m’abstenir d’y répondre comme l’aurais désiré.
Je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression mes sentiments les meilleurs.