GAR364
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (18-07-2017)
Folio number: 2
Monsieur le Directeur,
Qu’une publication mensuelle, sur laquelle vous et moi portons sans doute le même jugement, diffuse en octobre une attaque anonyme contre la revue que j’ai l’honneur de diriger et contre celui qui la dirige, il n’y a là rien d’étonnant. Je suis habitué à trouver dans ses pages, depuis des années, des provocations auxquelles je ne réponds pas.
Mais que la revue Esprit donne asile en novembre à un article de la même plume, sur le même sujet, contre le même numéro de la revue Europe, cela me surprend d’elle et de vous.
L’agression de votre rédacteur vise ma personne et le contenu du numéro spécial d’Europe (dont il donne une référence fausse) sur la Littérature hongorise.
Je ne lui ferai pas la charité de relever les imputations qui me concernent et je le laisse à ses propres remords.
En ce qui touche à la double anthologie, prose et poésie, je pourrais clore le débat en répétant après bien d’autres : chacun son goût et il n’existe pas d’anthologie qui satisfasse tout le monde. Mais je me donnerai le plaisir de rappeler au directeur d’Esprit que, depuis 1956, il existe dans la littérature hongoise autre chose que ce qu’étaient autorisés à connaître les lecteurs de langue française jusqu’à cette année 1963. C’est cette « autre chose » que leur fournit Europe.
Je conçois que cela ne plaise pas à votre rédacteur. Sa réaction prouve que nous avons frappé juste. La censure qu’il exerçait sur la diffusion en France de la littérature hongroise se trouve désormais tournée. Fini le temps où il aurait pu dire, parlant de ses compatriotes :
Par nos lois, prose et vers, tout nous sera soumis.
Nul n’aura de l’esprit, hors nous et nos amis.
Nous chercherons partout à trouver à redire
Et ne verrons que nous qui sachent bien écrire.
Ses rancoeurs politiques ne sont affectées au point que sa rage ne peut rester dans les bornes de la convenance.
Ce que je ne comprends pas, c’est que vous vous fassiez le diffuseur de cette rage. J’ai l’habitude de revendiquer la responsabilité de ce que je publie. Je vous fais l’honneur de supposer qu’il en est de même pour vous. C’est donc à vous que je le dis : je n’aime pas beaucoup qu’on fasse joujou pour des fins littéraires, avec « l’eau et le sang ». S’adressant à moi, Monsieur le Directeur, c’est un peu plus que déplacé.
Le Directeur :