BLE PC 516

Date: 26-05-1978
Language: French
Repository: Private ownership
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (10-01-2018)
Folio number:

Coucou me revoilà!

Je viens saluer les vaillants et courageux hommes et femmes de lettres hongrois.

Comment va? Je t’espère en super-forme créatrice dans une période faste.

Aussi faste et bousculée que la nôtre.

Oui.

Tout d’abord ce papier à lettres à en-tête bizarre veut t’apprendre que je viens d’être nommé Directeur (restez couvert, mon cher) du Centre d’Action Culturelle de Mâcon (dans le Mâconnais, bien sûr, et à la lisière du Beaujolais…Hic…). Nous nous y installons à partir du 1er juin, ou presque. Nous gardons notre appartement de Chatillon et partageons notre temps entre la douce province et la grande ville mangeuse d’hommes. Le CAC mâconnais est important: 36 personnes y travaillent [?] à plein temps, avec un budget de 4 millions de francs actuels. Un très bel équipement avec deux salles de spectacles ultra-moderne.

C’est une bonne chose pour nous et nous nous réjouissons de ce retour en Bourgogne 10 ans après. (1968-1978)

Voilà pour les activités professionelles.

Sur le plan t-auteur, ça va aussi.

Je viens de recevoir, et tu sais à quel point les honneurs m’accablent, le PRIX COURTELINE 1978, décerné par SACD (veux tu bien ne pas rire comme ça!) LA GOUTTE fait toujours une magnifique carrière au Théâtre des 400 Coups. On en est à la 100ème, et on refuse du monde presque (pas tous!) les soirs. En principe on continue jusqu’à la fin de l’été et peut-être même jusqu’à décembre. Du coup on se casse la tête pour pouvoir créer LA CRIQUE (toujours avec Claude PIEPLU) tout en continuant à jouer LA GOUTTE…

A propos de Crique elle sera de toute manière créée au Théâtre de Quat’Sous à Montréal (Canada, ignorant).

Théâtre important et coté. Enfin pour terminer ce panégérique, Le DISCOURS DU PERE, que tu connais bien est passé à la télévision (Antenne 2)…plaisir rare.

Et LA GOUTTE paraît dans l’Avant-Scène du 1 er juin avec deux pièces de mon confrère et néanmoins ami Eric Westphal.

J’ arrête là car je crains que tu ne penses que je veuille t’éblouir. Alors, hein pourquoi les z’hongrois  ne veulent pas de ma goutte à la radio? Ils ont quelque chose contre les Prix Courteline? A part ça…à part ça l’ambiance est je ne sais pas…impalpable. Après la déception de mars, on sent que dans l’immédiat il n’y a plus aucun espoir. Avant, on avait toujours une échéance, comme carotte! Maintenant on sait qu’on ait dedans et pour longtemps et, affreux, il faut s’en accomoder. Tout  ceci est bien lamentable… On est une génération des espoirs et des espérances déçus. On le ressent très forts, très profond. On avait chance d’être au centre de l’Histoire. On aurait écrit, chacun à son niveau, au plus modeste soit-il, une page essentielle…maintenant on sait qu’elle sera écrite par d’autres, que nous ne serons que des témoins passifs, ceux qui se sont révées incapables de saisir LAchance.

Pas de quoi rire finalement.

Mais; paradoxalement, cette année aura été dans ma vie, notre vie à Lina et à moi, une année faste, pleine de choses, de vertiges, de parfum.

Et pendant ce temps-là Le Théâtre Guy –Foissy de Tokyo continue à jouer mes pièces, à m’envoyer documents, affiches, photos… Un deuxième bouquin paru. Au fait ne serait-il pas le temps d’avoir un deuxième livre à Budapest?

Embrasse la divine et troublante Baba. Lina se joint à moi

Je t’étreins, rapide!   Guy F.