BLE PC 246

11, rue Keppler, Paris 16e
Date: 17-06-1956
Language: French
Repository: Private ownership
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (18-12-2017)
Folio number:

Cher camarade,

            A ce moment où je vous écris, tout seul dans la pièce où je le fais, et dans le silence de Paris – car Paris a son silence – ma pensée s’en va vers ce café, qui aurait pu décorer le Garnier de notre Opéra, où nos confrères dans les allées et venues qui ne paraissent pas les déranger le moins du monde, écoutent se former en eux et regardent s’ élever d’eux cette inspiration dont Mallarmé disait – l’ Après – Midi d’un Faune – qu’elle regagne le ciel qui, dans ce curieux endroit, s’en va rôder tout d’abord entre les caissons dorés. Comme c’est différent nos façons de travailler! Je ne sais plus lequel de nos écrivains prétend ne pouvoir être lui-même que dans une salle absolument nue. C’est peut-être un reliquat de la tour d’ivoire. Mais après tout il n’y a que l’arrivée qui compte. Et votre course, et celle de vos camarades, exprime une fraternité. Celle que j’ai ressentie quand nous étions réunis dans votre bureau; elle n’est pas si complète dans ce pays-ci. Laissons cela.

            En vous envoyant les deux volumes de mes „Paysans”, que vous trouverez ci-joints, en quelque sorte une histoire de la paysannerie française sur les données du souvenir, je veux vous exprimer le sentiment qui continue de m’assurer [?] , celui d’une adaptation spontanée de moi-même à vous et à vos camarades qui sont aussi les miens. Pour un homme de ma nature, un séjour auprès de vous tous, et si bref soit-il, est réchauffant. Je serai très content quand j’apprendrai que vous venez à Paris. Je vous l’ai dit quand j’étais à Budapest; il y a des choses que l’on aime répéter.

            Fraternellement à tous,

                        René Jouglet