Cher Monsieur

Je vous remercie de votre gentille lettre. Croyez que je comprends fort bien les diverses composantes de votre décision… Comme vous le pensez, mon attachement à mon petit roman n’en est pas diminué: ce serait plutôt le contraire J’ai voulu faire le portrait d’un saint authentique. Cela m’a valu – je vous l’ai peut-être dit – d’apprendre en même temps que mon livre était un „chef-d’oeuvre” et la ligne de la maison exigeait qu’il soit refusé. Car il s’agit d’une „grande” maison… Se battre, toujours se battre… Hier une longue lettre à certain agrégé chargé par la Recherche scientifique de mettre debout un ouvrage de Roger M. du Gard. Il paraît que, sans moi (c’est-à-dire sans les quelques centaines de lettres qui me restent d’une longue correspondance avec R.M.G.), ce monsieur ne pourra pas écrire son livre… Je suis assailli de questions insolubles: du moins pour ceux qui m’interrogent et qui pensent qu’il me revient de formuler les vérités qui brûlent…

Sans doute devrai-je ne plus répondre à personne, et écrire moi-même le livre en question. C’est-à-dire faire attendre ce qui est ma vérité. Pardonnez-moi ces remarques, sinon ces redites et veuillez me croire vôtre, en toute sympathie

Marcel Lallemand