BLE PC 279
Language: French
Repository: Private ownership
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (22-12-2017)
Folio number:
Cher Monsieur,
{Monsieur Banyai|} a bien voulu me faire part de la décision que vous aviez prise de faire représenter en Hongrie la pièce „La Religieuse” que nous avons écrite Gaston Rullier et moi.
Je vous remercie, en notre nom, de la confiance que vous lui faites. Vous avez pu remarquer que l’adaptation de l’oeuvre de Diderot est très large. Elle comporte des scènes entières et des épisodes qui n’existent pas dans le roman, mais qui nous ont semblé indispensables pour le rendre moins brutal, plus humain et plus scénique, tout en en gardant le fond, l’esprit et le style. {Monsieur Banyai|} m’a dit que vous aviez de notre langue une connaissance parfaite, aussi avez-vous certainement remarqué que nous avons tenu à garder dans les dialogues de ces nouveaux épisodes la pureté de la langue de cette époque. Je ne sais pas si celà peut se faire sentir dans une traduction. Je crois plutôt que le hongrois n’a pas subi cette décadence, cette modernisation qui ont touché le français et que c’est par des détails de dates, de costumes, de mobilier que vous rendrez l’époque. Je sais les grandes qualités artistiques de votre race et je n’éprouve aucune souci quant à la manière dont la pièce sera rendue. Aussi les points sur lesquels je vais me permettre d’attirer votre attention ne doivent-ils pas être considérés par vous comme des conseils, mais bien dans le sens d’une aide que nous tenons à vous apporter, si besoin était. Aussi nous avions pensé, Rullier et moi pour „dater” la pièce dès son début, à ajouter au dialogue de la Mère de Moni (page 2, dernière ligne) „ c’est un bien grand jour pour tous, et immense pour vous, ma chère enfant”, à ajouter donc à cet endroit: „que ce 20 Mai 1752” – Je crois que c’est utile. Détail peut-être, mais qui met en situation dès le départ. Nous avons essayé de mettre dans les indications le plus de précisions possibles pour aider mise en scène et jeux de scènes. Je remarque que nous avons oublié de noter l’âge de la supérieure Mère de Ste Eutrope. Il va de soi qu’elle est jeune encore, 35 ans environ. Vieille, son rôle deviendrait sale et repoussant. La question musicale a une grande importance, à la fin du 1 par exemple comme au début du reste pendant la scène de la prise de voile. Nous avons imaginé pour notre part une musique d’orgue, enregistrée, venant du fond de la scène, derrière les décors, avec un amplificateur réglable de façon à faire sentitr l’ouverture et la fermeture des portes de la chapelle. C’est facilement réalisable. Et cela joue un grand rôle à la fin, au dernier tableau. A propos de la fin, je vous envoie par même courrier un exemplaire de la pièce où le 3eme acte a été corrigé. Je vous dit tout de suite que je préfère la première version. Mais cette correction (qui, à mon avis alourdit la fin) avait été faite pour augmenter le rôle de la „supérieure”. En effet elle n’apparait qu’ au 2e acte, son rôle cependant est primordiale, d’autant plus que présente ou absente la pièce tourne autour d’elle. Je pense que vous n’avez pas en Hongrie les mêmes difficultés de distribution que nous rencontrons en France, comme vous le savez, dans l’attribution des rôles. Celui-ci exige qu’il soit confié à une grande artiste. – Et celle qui devait créer le rôle à Paris (ce dont je vous parlerai plus loin ou dans une autre correspondance, car je tiens à ce que parte aujourd’hui ce courrier) celle donc, qui devait créer le rôle tenait à être présente àla fin de la pièce. Voyez vous même ce que vous en ferez – Il y a cependant une réplique „page 6 et 7” „Mais enfin, Monseigneur croyez-vous en Dieu?qui forte certainement dans le moment et qui serait facile dire par Séraphine en l’intercalant page 36 comme je vous l’ai indiqué. „Que devient alors ce malheureux” l’abbé Bertaud, un criminel! le père Seraphin: un criminel? L’abbé Bertaud: oui, un criminel. le père Seraphin: „Mais est-ce donc un crime etc…mais enfin, Monseigneur, croyez-vous en Dieu?... etc…De tout ceci, cher Monsieur, nous aurons à reparler – je jette un peu mes idées au hasard – et je me tiens à votre disposition pour tout ce dont vous aurez besoin et que je pourrai vous procurer.Faites vous passer l’action en France? Si oui, vous avez certainement là-bas tous les éléments nécessaires pour recréer l’époque tant en ce qui concerne la robe de Madame Simonin que les costumes des archers, ceux des abbés et de Monseigneur. Il faut cependant faire une différenciation sensible entre Séraphin et les autres. Séraphin est un abbé de cour, en culotte et bas. En réalité vous sentez bien qu’il est abbé dans la pièce pour faciliter son entrée au couvent, mais qu’en réalité les philosophes de l’époque. Les soeurs? Comment les habillez-vous? en noir? en gris? nous avions opté pour le gris qui est plus doux et permet plusfacilement de „passer” le IIe acte. Mais vous connaissez votre public et ses goûts. En tous les cas il faut le même costume pour toutes ce qui facilite la figuration de fond. Naturellement j’aurais aimé assister aux derniers jours de répétitions aussi qu’ à la première. D’après ce que je comprends votre intention et de jouer le 20 Mars. Vous devez donc être en pleine répétitions. Soyez aimable de me dire le plus tôt possible comment vous entreverriez la chose. Dates, conditions de voyages et de séjour. Soyez convaincu que je ferai tout ce qui me sera possible pour assister à la naissance de mon enfant. Dans tous les cas Rullier ne viendra pas. Il est âgé déjà, craint les voyages etc… Je vous enverrai sous peu des notes sur notre passé artistique de façon à vous permettre votre publicité – Dites moi aussi si vous aimeriez à ce que l’on en parle en France – j’ai là-dessus certaines possibilités.
Je fais parvenir aujourd’hui à {M. Bányai|} le contrat signé par Rullier et moi. Vous pouvez donc marcher en toute tranquillité. J’attends donc, cher Monsieur, de vos nouvelles- je répondrai par retour. Si vous désirez me téléphoner vous avez mon numéro au haut de cette lettre. Je suis là en principe tous les soirs et le dimanche matin jusqu’ à onze heures. En tous les cas un préavis est préférable. Soyez aimable de me faire connaître votre numéro de téléphone et les heures auxquelles je vois sûr de vous toucher.
Je vous souhaite toutes les chances et vous prie, cher Monsieur, en l’attente du plaisir que j’aurai à vous rencontrer, de croire à l’assurance de mes sentiments les meilleurs
p.s. Soyez aimable d’excuser le décousu de ce papier