BLE PC 006

Date: 23-08-1958
Language: French
Repository: Private ownership
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (13-06-2017)
Folio number:

Maître et Cher Confrère,

Je crois qu’il n’est pas inutile que traducteur et auteur fassent connaissance. Aussi me permettrez-vous que je vous importune par ce petit mot. Je me présente: je suis écrivain, journaliste et traducteur, je dirige en outre la section française des Éditions EUROPE. Je suis votre premier traducteur hongrois; j’avais traduit en effet LE PASSE-MURAILLE pour la revue hongroise intitulée NAGYVILAG /« LE MONDE ENTIER »/ où sa parution avait fait quelque bruit:

tout le monde était enchanté de cette fantaisie féerique, faite de surnaturel déchaîné et de réalisme de bon aloi; votre humour féroce et votre verve poétique, la cocasserie de vos inventions et lé pittoresque si particulier de votre petit univers montmartrois ont fait le délice du public éclairé. D’emblée, votre nom devint connu, populaire même en notre pays; et ce succès m’a encouragé - d’autant plus qu’en toute modestie je puis ajouter que la qualité de la version hongroise n’y avait été étranger – à traduire le volume tout entier. Ce fut fait, et tout ce savoureux recueil est d’ores et déjà sous presse. Depuis j’ai même traduit FIANÇAILLES de votre dernier recueil de nouvelles /EN ARRIÈRE/, pour une anthologie du Conte Français d’Aujourd’hui à paraître l'année prochaine. Je me flatte d’avoir rendu dans toutes les nouvelles que j’ai eu le plus vif plaisir à traduire jusqu’à présent /j’aimerais bien les traduire toutes!/ toutes les astuces de votre langue, toutes les inventions verbales et toutes les nuances, même argotiques ou fantaisistes /comme dans FIANÇAILLES l’épatant coq-à-l’âne du marquis lorsqu’il est sommé de s’expliquer par son beau-père/.

Tout cela me permet de vous demanderde bien vouloirme confier les droits de traduction des vos pièces également. Il est question notamment de présenterla toute dernière /LA MOUCHE BLEUE/, et il est à craindre, comme cela arrive hélas! quelques fois, que les amateurs, poussés par l’appât du gain, se jettent sur certaines oeuvres théâtrales et qu’ils les livrent, pantelantes et écorchées, au public désabusé. Pour éviter des avatars aussi malencontreux, il vaut mieux de passer par des traducteurs soigneux et expérimentés /mon outrecuidance vous choque peut-être, mais comment faire lorsqu’on est réduit a plaider sa propre cause?/.

J’ai oublié de vous dire que j’ai écrit une petite préface pour LE PASSE-MURAILLE qui retrace votre brillante carrière de BRULEBOIS à LA MOUCHE BLEUE, en passant par l’inoubliable JUMENT VERTE et LUCIENNE ET LE BOUCHER, quelque peu malmenée en 1948 lorsqu’elle fut adaptée pour la scène hongroise.

D’ailleurs, si vous désires avoir quelques renseignements à mon sujet, mon non n’est pas tout à fait inconnu dans la. presse et l’édition française /j’ai vécu dix-sept ans à Paris et mon épouse est une Normande mâtinée Auvergnate, deux sur mes trois garçons sont nés à Paname.

Je m’excuse derechef de cette longue.missive ostentatoire, et je vous prie de croire, cher Maître, à l’expression de mes sentiments admirativement confraternels.

André LAZAR