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Franco-Hungarian Literary Relations

GYA093

2, rue de Lille - Paris VIIe
Date: 09-12-1959
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (11-02-2018)
Folio number: 1

Mon cher ami,

je m’empresse de répondre à votre lettre et je ferai avec toute la franchise que je vous dois. Je vous prierai seulement de bien vouloir considérer tout ce que je vais vous dire comme absolument confidentiel. Mlle de Rotalier a effectivement suivi les cours de hongrois et même de finnois. Elle a fait, si je ne me trompe, un séjour en Hongrie, il y a quelques années (1948?) et également en Finlande. Elle est agrégée de l’université et professeur d’espagnol dans un lycée de jeunes filles de Paris. Je sais en outre qu’elle prépare une thèse, la thèse principale lui ayant été proposée par Marcel Bataillon, du Collège de France. Elle a demandé son détachement au Centre National de la Recherche Scientifique, ce qui lui a été refusé parce que l’administration n’admet pas qu’un enseignant soit détaché au CNRS. Il y a pénurie de personnel enseignant et on a besoin de tout le monde. Le statut de l’enseignement prévoit néanmoins qu’on peut demander un congé „pour convenance personnelle”, sans traitement, renouvelable pendant 5 ans. C’est cette solution que Mlle de Rotalier a choisie pour pouvoir se rendre en Hongrie afin, m’a-t-elle dit, d’y poursuivre ses recherches. Comme vous, j’ai trouvé cette solution quelque peu surprenante et je ne comprends pas très bien. Elle a suivi mes cours et c’est tout. J’ignore qui elle est et quelle peut être sa vie privée. Je ne suis pas moins perplexe que vous devant son comportement.

Ou bien faut-il que je suppose que sans sans s’être ouverte à moi, elle voudrait se préparer à recueillir un jour ma succession au moment où je viendrais à quitter ma chaire? il y a pourtant d’autres candidats en perspective, qui ont plus de chances qu’elle ne peut en avoir, même après un séjour de deux ans en Hongrie (entre parenthèses, elle m’avait dit lors de son départ qu’elle devait y séjourner seulement une année!) Comme vous le voyez, je me perds en conjoncture sur ses intentions dernières. Voilà ce que je puis vous dire, n’en sachant pas davantage.

J’ai beaucoup regretté de vous avoir manqué. Mais vous êtes incorrigible et vous choisissez toujours de passer par Paris quand je suis absent. J’aurais aimé vous entretenir d’une foule de problèmes. Il y a celui de l’anthologie en prose, à publier par l’Unesco, il y a aussi celui du ravitaillement en livres. Je ne reçois plus de szépirodalom depuis 1956. Gereblyés m’a fait remettre trois numéros de Kortárs et 4 de Élet és Irodalom (trois se suivent et un à part!). Veuillez alerter les personnes compétentes car je m’asphyxie sans recevoir de textes frais de chez vous. Je viens de le dire à Köpeczi que j’ai rencontré ces jours-ci. Je veux espérer qu’il n’oubliera pas et fera quelque chose de son côté. J’ai reçu deux notules d’Eckhardt. Si vous le voyez, dites lui merci de ma part et mon salut. Mais pourquoi n’ai-je pas reçu son dictionnaire? Je n’ai pu en rendre compte dans le Bulletin de la Société Linguistique.

J’espère que vous allez bien. Dites mes amitiés à tous autour de vous et croyez-moi toujours votre fidèlement dévoué Aurélien Sauvageot