DÉTI033
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (24-08-2017)
Folio number: 1
Traducteur du romancier hongrois Tibor Déry, je me permets de vous fournir quelques précisions sur son affaire, au nom du Comité Tibor Déry et en particulier de son président, M. Jean Cassou.
L’illustre romancier, dont le sort nous cause à tous une si vive inquiétude, a été arrêté le 21 avril 1957 à Budapest, pour « attentat contre la sûreté de l’Etat ». Après avoir consulté et fait consulter dans diverses archives les journaux hongrois de l’époque, je puis vous assurer qu’aucune autre précision n’a été donnée quant aux motifs de cette arrestataion. Il y aut ensuite un long silence des autorités, puis, en octobre 1957, divers journaux étrangers annonçèrent l’imminence d’un procès Déry dans lequel celui-ci devait comparaître avec d’autres écrivains. Ces informations furent alors démenties par les autorités hongroises, puis, le 13 novembre, un communiqué laconique annonçait que Déry était condamné à 9 ans de prison comme « chef d’une organisation dirigée contre l’ordre de l’Etat », en même temps que trois autres écrivains : Gyula Hay, Zoltan Zelk et Tibor Tardos, les peines étant respectivement de 6 ans, 3 ans et 18 mois de prison. Ces condamnations ne surent pas commentées officiellement, et dans la presse le seul commentaire fut celui du Magyarorszag, reproduit dans la brochure « Pour Tibor Déry » que je me permets de vous envoyer.
De toute la presse étrangère, l’article le plus complet et, selon toute apparence, le plus objectif, est celui des Lettres Nouvelles (février 1958), que je joins également à cette lettre.
La presse hongoise, elle, s’abstint par la suite de revenir sur l’évènement et garda un silence total sur les protestations qui s’élevèrent à l’étranger en faveur de Déry. Ce n’est que tout récemment que l’affaire fut évoyuée dans un article de Népszabadsag (du 6-9-1959, organe central du parti communiste) qui prenait vivement à partie ceux qui défendaient Tibor Déry – notamment Louis de Villefosse –, tout en se gardant d’écrire le nom du romancier emprisonné.
Comme vous le savez très cerainement, l’affaire Déry fut évoquée lors du dernier congrès des Pen Club, à Francofort. Dans des conversations privées, les délégués hongrois affirmèrent que Déry et les autres écrivains avaient été condamnés « pour avoir incité les ouvriers à la grève ». Ils n’insistèrent cependant pas quand on leur objecta qu’un tel motif ne pouvait pas justifier des condamnantions aussi lourdes.
Tous les faits que nous connaissons montrent que Déry et ses amis ont été condamnés pour s’être solidarisés avec les insurgés hongois d’octobre 1956 et les ouvriers qui, même après l’écrasement de l’insurrection, poursuivirent leur mouvement de grève.
Je suis navré de ne pouvoir donner d’autres précisions, mais il n’en existe pas. J’espère cependant que la brochure éditée par le Comité Tibor Déry et l’article des Lettres Nouvelles joints aux quelques renseignements que j’ai pu fournir vous permettront de vous faire une opinion sur ce cas douloureux.
Je vous prie d’agréer, Maître, l’expression de ma haute considération.