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Franco-Hungarian Literary Relations

DÉTI005

17, rue de Gascogne 35000 Rennes
Date: 08-01-1973
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (24-08-2017)
Folio number: 2

Cher Monsieur,

Je me permets de vous écrire parce que je fais un diplôme sur votre livre « Monsieur GA à X »... et j’ai eu la grande chance de rencontrer à Paris deux personnes qui m’ont suggéré de vous écrire de leur part : il s’agit de Georges Kassaï et François Fejtö.

Ce serait, bien sûr, très intéressant pour moi d’avoir des éclaircissements venant de l’auteur lui même.

Je travaille à ce diplôme dans le cadre de l’institut de littérature comparée, sous la direction d’un professeur lui même Hongrois. L’intitulé en est : « Le thème de la ville contre-utopique dans « Monsieur GA à X » et « Le Procès » (de Kafka). Le sujet est si vaste que, au bout de deux mois de recherches, j’ai trouvé trop d’orientations abstraites, et je ne sais pas quel chemin emprunter. La confusion où je me trouve explique le caractère brouillon de ma lettre... Excusez moi, si tout ce que je vous dis ne paraît pas très clair.

Le mieux est sans doute de vous faire part des orientations qui ont retenu mon attention. Peut être aurez vous, ainsi, la gentillesse de me donner quelques éclaircissements. Car tout ce que je vais vous dire est bien théorique, et gagnerait à être replacé dans un contexte vivant.

Tout d’abord s’est posé le problème de l’Utope, ou plutôt de la « conte utopie » puisque X est à la fois une ville idéaliste et la démystification de cet idéalisme. Mais, en plus de la démystification du régime totalitaire, j’ai crû pouvoir noter – surtout dans l’Episode de « l’Excusion » –, un désenchantement visà vis de la Révolution (ou fête) quand elle se présente comme une théâtralisation du social – c’est à dire, comme le sacrifice symbôlique d’un ou plusieurs individus – « bones[ ?] émissaires », destiné à purifier la cité. Ce sacrifice étant libération de l’interdit principal : celui du meurtre, et par là même, retour au chaos prilitif, négation du monde organisé, et attente de l’âge d’or – l’apocalypse ainsi évitée.

{Monsieur Kassaï|} m’a dit que vous vous intéressiez maintenant au problème de l’apocalypse. Comme l’apocalypse serait – théoriquement – destiné à éliminer les déchets d’un monde figé dans son organisation (la ville est la représentation de cette organisation) le problème m’intéresse directement.

Est-il vrai qu’un film Tchécoslovaque appelé « Alphaville », ressemble beaucoup à ce passage de l’excursion ?

Quant à l’indifférence des gens devant la mort, elle me semble être le résultat d’une hébétitude blasée, et aussi d’une joir devant la rupture de la discontinuité de l’individu qui rejoint enfin le Grand Tout.

Pourtant, je reste sceptique devant certains passages : par exemple, l’arrivé de GA. Quelle est donc le symbôlisme des différentes sortes de ferrailles rencontrées ?

Et dans la présentation de la ville, pourquoi la mer et la montagne au loin ? Et dans quelle mesure cette vision est elle empruntée à la ville de Budapest ?

Le personnage du Grand père Larra m’intrigue beaucoup aussi. Que représente-t-il au juste ?

Bien que je ne lise pas le hongrois (hélas !), j’ai été frappé par certains aspects stylistiques. Le rôle des mots paraît très important (supports de l’Utopie) ; le rôle des noms paraît presque magique : ils sont parfois capables, tels une formule Kabbalistique, de faire naître l’évênement réel, de sorte que l’apparence (le langage) commande à la réalité : ainsi, la « veuve » dit à G.A. : « Voulez vous m’appeler Elisabeth ? ».

D’autre part, la relation ville-évênements historiques me pose des problèmes (malgré les lueurs apportées par Mr Fejtö) ; car votre livre me semble être un véritable creuset de situations historiques.

Voilà... j’ai certainement oublié beaucoup de choses ; mais j’espère que je ne vous ai pas trop trahi. Sachez que je suis heureuse de travailler sur votre livre, car je crois que cela me permettra d’échapper à la sclérose et aux compilations universitaires.

Je vous remercie d’avance...

Bien à vous

Ballabez