☰ Franco-Hungarian Literary Relations

Franco-Hungarian Literary Relations

DÉTI026

6 rue Offenbach 6 Nice
Date: 24-06-1972
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (24-08-2017)
Folio number: 1

Mon cher Tibor

Ce n’est pas sans surprise que j’ai lu dans ta lettre reçue par les bons soins du Pen Club que ce que je t’avais écrit après la lecture de ton pseudo-reportage montrait que je t’avais mieux compris que nombre de critiques hongrois, car, pour ma part, après avoir envoyé ma lettre j’étais mécontent de moi, estimant que je n’étais pas parvenu à te dire tout ce que ce livre remuait en moi, à tel point qu’à l’heure actuelle encore il me haute tant il déborde de richesses diverses et unit de façon extraordianire des motifs à la fois en apparence dissemblables, éloignés, les uns des autres dans le temps, et dont le rapprochement que tu en fais devient par ton art d’une évidence à la fois frappante et boulversante, alors même que tout est dit avec une sobriété sans bavure.

Je suis en train de lire maintenant Itélet nincs et lorsque je l’aurais terminé je t’en parlerai car, de nouveau, ce livre me touche de très près et je le savoure en quelque sorte comme un très précieux breuvage, goutte à goutte, d’où une lente lecture permettant de s’en délecter.

Mais ma lettre d’aujourd’hui a un tout autre motif. Je me suis demandé, depuis mon retour, comment faire pour que mes amis écrivains hongrois – même s’ils sont traduits et connus en France dans une certaine proportion – aient une audience un peu plus large. J’en ai parlé à quelqu’un qui est le conservateur de la bibliothèque municipale de Nice mais qui, en outre, est écrivain (trois romans chez Gallimard, collaborateur régulier de la N.R.F.) particulièrement ouvert et sensible. Très spontanément il m’a offert son aide. Il estime que la première chose à faire est que je réunisse des textes – poèmes et prose – que je traduise – des écrivains hongrois contemporains, persuadé que la N.R.F. s’y intéressera. Il m’a d’ailleurs promis – et je sais qu’il tient ses promesses – d’en parler à ceux de la revue qui décident des choses, car, depuis la mort de Paulhan, je n’ai plus aucun contact avec les gens de cette illustre maison. Je pense même – mais je me demande s’il n’est pas un peu trop optimiste – à un numéro spécial consacré à la littérature hongroise, le dernier numéro de la N.R.F. étant un numéro sur la littérature italienne contemporaine. On peut, de toute façon, essayer.

Ce que je te demande à toi c’est si tu as dans tes cartons une nouvelle inédite (je veux dire non publiée encore en France) que je pourrais traduire dans ce but (je ne sais pas si tu as des contrats qui t’obligent à tout donner à ceux qui t’ont traduit jusqu’ici en français) ou si tu penses plutôt à la possibilité d’extraire d’une de tes oeuvres un passage, assez complet eu lui-même, pour qu’il forme comme un tout publiable en revue. De toute façon, si ce projet devait se réaliser, il ne prendront de forme concrète qu’en hiver. Entre temps, Guy Rohou aura eu le temps de pressentir ses amis de la NRF, d’en discuter avec eux et de me tenir au courant des possibilités réelles.

Pour l’instant je suis d’autant plus avec toi et avec Böbe et Lidi que, pour aussi dire, chaque page de Itélet nincs m’apporte une vue cursive de votre jardin du Balaton et de cette fusion entre tes pensées, tes souvenirs et la vie de vos arbres et de vos plantes.

Mille tendresses de la part d’Irène et de la mienne aux dames de la maison. Nous t’embrassons affectueusement tous les deux

François

P.S. Je n’ai pas ton adresse du Balaton. J’espère qu’on fera suivre.