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Franco-Hungarian Literary Relations

DÉTI001

Date: [1937]
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Draft
Publisher: Tüskés Anna (24-08-2017)
Folio number: 3

Cher M.

Je ne sais pas, si vous avez appris que j’ai été condamné à 9 mois de prison pour avoir traduit votre Retour... Je viens de sortir de prison et je vous écris pour vous demander <un service> de me venir en aide.

<Je sais bien que le fait d’avoir été emprisonné n’est pas un titre>

Tout d’abord mettons ceci au point : Qu’en traduisant votre livre j’ai couru le risque pour mon compte personnel et que je ne considère ce fait aucunement comme un titre à votre amitié. Même j’ai honte de devoir vous en parler et je le fais seulement après avoir hésité pendant des mois et parce que <je ne sais pas d’autre moyen pour me tirer d’affaire> il ne me reste <pas d’autre chose> rien d’autre à faire. (Je n’ai pas d’amis français...) Pourtant il y a un<e chose> facteur qui <m’encourage> me donne le courage <et me facilite> de m’humilier ainsi, c’est la grande estime et la sympatie que je ressens pour votre oeuvre. Je crois <et j’espère> que cet <sentiment> estime comporte la possibilité d’une réciprocité et c’est plutôt cette pensée que le fait d’avoir <échangé quelques lettre avec vous> traduit votre livre qui m’encourage à cette démarche penible.

Depuis le 18 oct. le jour du verdict tous mes moyens d’existence et de travail ont été subitement coupés. Pour vous citer un exemple : la parution du roman que j’étais en train de publier au P. L. a été coupée court <au beau milieu> le lendemain de ma condamnation. (Ci-joint l’annonce du journal.) Je gagne ma vie <princi> surtout en traduisant <en hongrois> des oeuvres étrangères. Depuis, les maisons d’édition n’osent me donner du travail, les journaux et revues ne publient plus mes écrits. Pour comble, je suis juif <d’origine juive>. Il faut vous dire encore que tout les condamnés politiques sont surveillés déjà par la police. On pourra <me mettre> et d’un jour à l’autre me mettre sans jugement dans un camp de concentration, tout semblable à ceux <de l’Allemagne> que vous devez connaître déjà de réputation.

Je dois donc partir. <Je vis avec ma mère> Et voici ce que je vous demande : <pourriez vous> de m’aider à trouver du travail dans votre pays – ou dans n’importe quel autre pays européen. Hélas, je ne sais pas grande chose audessus de mon métier d’écrivain et j’ai déjà 45 ans. Toutefois je parle et j’écris parfaitement l’allemand et parle passablement le français et l’italien, je comprends l’anglais et au besoin l’espagnol. <J’ai> Ayant travaillé dans ma toute première jeunesse six ou sept ans dans une grande maison d’industrie j’ai aussi quelques expériences sur ce terrain. Quant à mon métier d’écrivain je suis poète et romancier, mais travaillant très lentement et très péniblement, je n’ai jamais su être journaliste. Je préfère <une> la subsistance <ou ne peut> la plus modeste à un travail <malhonnête> contraire à l’esprit.

Pour finir je dois <enc> vous dire encore que je vis avec ma mère âgée de 76 ans que je ne voudrais pas quitter dans les dernières minutes de sa vie. Elle viendra avec moi n’inporte où, mais possédant une toute petite rente, elle pourra seule pourvoir à ses besoin.

Que dois-je vous dire, M. Pour finir cette lettre ? Il est peut-être ridicule de revenir à ce sentiment de malaise qui m’apprime en m’ar[ ?] à vous <avec> pour une <si grave prière> demande si sérieuse. Mais voyez vous, M. Quoique très malheureux depuis des années, j’aime encore la vie.

Ce que je vous demande en tout cas et d’une façon précise c’est lorsque la demande de visa d’une certaine durée que j’adresserai à la Legation de France à Budapest aura été transmise par celle-ci au Ministère des Affaires étrangères qui seul possède actuellement le droit d’accouter ou de refuser un visa d’une durée de plus de quinze jours avec Israélites hongrois, de bien vouloir intervenir en ma faveur. Je vous avertirai de la date à laquelle cette demande aura été transmise par la Legation. Ce qui pourra peut être simplifier les choses c’est que j’ai sejourné à Paris pendant les 3 années 1925 26 27 et que je possède encore ma carte d’identité.

P.s. J’adresse ceci par l’intermédiaire de mon ami François Gachot par la valise diplomatique et je vous prierai de déposer la réponse au bureau des départs du Quai d’Orsay avec l’adresse Monsieur F. Gachot Aux bons soins de la Legation de France Budapest Pour eviter que les autorités hongroises n’interceptent cette lettre.