☰ Franco-Hungarian Literary Relations

Franco-Hungarian Literary Relations

SA049

13100 Aix en Prove nce
Date: 26-04-1987
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 2

Très cher ami,

comment vous remercier de toutes les belles choses que vous avez écrites sur moi ? J’ai tàutes les peines à m’en ressaisir. Elles m’ont rappelé aussi tout ce dont je suis redevable à votre nation. Que serais-je sans elle ?

            Grâce à toutes les publications qui me parviennent de chez vous, je passe une bonne partie de mon temps à votre écoute. C’est de plus en plus passionnant.

Ici, les choses vont mal. Une sorte de malaise mal contenu règne dans tous les milieux. Nous ne parvenons pas à sortir de la crise. Le chômage s’éte ma [ ?], colère monte et il est heureux qu’il ne se trouve pas de militaire pretigieux pour prendre d’assaut le pouvoir. Pratiquement, la période électorale a comnencé. C’est tout dire.

Mais passons à d’autres considératiobs .Vous m’avez demandé quand était parue ma traduction de kai. La première édition est sortie en 1962, publiée par le Club des amis, du livre progressiste et Corvina. Une superbe édition avec up mauvais titre « Les Baradlay », choisi par Gyergyai qui avait écrit une longue intioduction, très maladroite puisqu’elle disait aux Français que l’aufeur hongrois avait refait tout simplement du Victor-Hugo alors qu’il aurait fallu le compareer plutôt à Dumas ! La seconde édition est celle des Publications Orientali tes de France en 1983. Le titre est « Les trois fils de Coeur-de-Pierre ». L’éditrice, Mme Seiffert, m’a demandé de rédiger, une brève préface pour reuonner à Jókai ce qui lui revient [ ?] car il fallait présenter l’auteur à des elcteurs qui ignorent tout de la Hongrie er de ses valeurs. J’en ai<...> été désolé mais en dépit de mon amitié pour Gyergyai qui a été un homme remarquable dont la Hongrie peut être fière, j’ai été dans l’obligation de réparer ce qui a été de sa part une erreur. Il faut abandonner l’élitisme raffiné quand on s’adresse à un grnd [ !] public occidental.

Dans le numéro d’És du 13 février, vous devez avoir lu l’article consacré à Robespierre. Comme moi, vous avez été choqué de retiouver, en dépit du mal que vous vous êtes donné, l’expression Közjóléti Bizottság. C’est tout siplement inepte. Mais, c’est  tout l’article qui est à reprendre. Il n’a rien compris à ce qui s ’est passé. D’abord, il faut commencer par se rappeler que la première révolution et sa république, en Europe Occidentale ont été britanniques. La premier souverain exécuté aussi. Beaucoup de Français, dans la classe instruite, étaient d’autre part trèsi au <...> couzant [ ?] de la vie anglaise contemporaine. Enfin, ce qui a donné le départ à la Révolution Française, c’est la création des Etats-Unis d’Amérique. La proclamation d’indépendance a été accompaghée par la déclation solennelle des Droits de l’Homme de Jefferson. Beaucoup de militaires francais avaient combattu aux côtés des insurgés. La plupalt étaient de jeunes nobles qui avaient été initiés à la Franc-Maçonnerie. Et puis Franklin était venu à Paris. N’oublions pas que la Révolution a été lancée par la province et non pas par le peuple de Paris. Mirabeau est parti d’ Aix en Provence. Il é-tait marquis. Maximilen de Robespierre était noble, Saint Just aussi. Ils n’ont pas fait bon ménage avec les roturiers dont mon arrière-grand-père faisait partie. La société qu’ils ont fait éclater était une société bloquée Elle était presque totalement rurale. Les « ouvriers » faisaient partie de corporations et de jurandes très fermées. On était apprenti, compagnon puis maître selon des règles strictes. Chaque artisan avait son privilège .Dans un certain sens, chacun avait sa place assurée. Ce qui est extraordinaiie, ce n’est pas que la Révolution ait eu lieu mais qu’elle ait attendu plus d’un siècle à éclater.

Ce qui s’est passé dans la salle du Jeu de Paume et après, c’es t un rattrapage. Il a été très difficile, d’où let violences et la terreur. La République a été at aquée toul de suite : à Marseille, à Toulon, en Lanuedoc, pour ne, parler que du .Mi(li.On sait ce qui s’est passé en Vendée, en Bretagne, dans les Pays de Loire alors que la Bourgogne avait tout de suite rallié le mouvement révolutionnaire. J’ai étudié sur place le archives, avant la guerre, notamment en Bourgogne et en Franche-Comté pour des raisons familiales. Les publications les plus récentes le confirment, jamais la France n’a été totalement révolutionnaire. Elle est restée divisée et cette division sub siste sous nos yeux. Cela n’a pas été une affaire de classe et cel [ ?] ne l’est toujours pas. Le vigneron de la <...> Côte d’Or a fait la révolution, celui du Midi l’a combattue L’ouvrier de l’ Yonne vote socialiste, celui du Doubs vote à droite. Le trait, essentiel de la Révolution a éié la révolte de l’individu. Ce n’est pas par hasard si la proclamation de la République a été précédée de la fameuse « Déclaration des droits de l’homme et du citoyen », reprenant celle de Jefferson. On s’est battu pour le statut du citoyen. C’est encore aujourd’hui le cas. Le mouvement des étudiants de cet hiver, les grèves des [ ?] admins de fer et de l’Electricité ne portaient pas sur des questions professionnelles mais sur la défence des « deroits acquis ». Ce qui était en cause, c’est le droit de 1’individu. Se méprendre sur ce point condamne à ne rien comprendre de ce qui se passe en France.

Mais n’est-ce pas un peu la même chose qui s’est passé chez vous ? Ce qui m’avait révolté en 1923, ce n’était pas ma condition modeste par rapport aux gens que j’avais pancontrés [ ?] chez vous mais qu’ils se croyaient supérieurs parce qu’ils portaient un titre de noblesse. D’où le cri que j’ai lancé à la Légation de France [ ?] quand Perényi m’a demandé si je n’étais pas « au moins chevalier » Comme vous l’avez lu, j’ai répliqué durement en lui disant « Non Monsieur, je suis seulement un citoyen libre d’un pays libre » . Je n’ai jamais compris que Jean Mistler se soit inventg une « particule » . Pour se faire bien voir des féodaux qu’il rencontrer dans le salons J’en avais été très choqué.

Vous me direz, avec raison » que la société française contemporaine est encore loin d’avoir réalisé son idéal : Liberté, Egalité Fraternité. C’est pourquoi le combat continue et cela explique que tant de place soit faite « aux droits de l’homme » . Ce qui est quand même acquis, c’est qu’il n’y a plus de prolétariat français. Les plolétairees qui vivent chez nous sont des immigrés. Leurs enfants veulent rester parce qu’ils constatent qu’il sont devenus des citoyens libres: Seulment, cela pose des problèmes que vous ne connaissez heureusment pas. En attendant, l’observateur qui regarde les choses de loin se sent plus rassuré sur le sort de votre patrie et de toute la nation dispersée de par le monde. Votre survie est assurée et c’est heureux pour le reste du monde.  Je n’éprouve plus ce sentiment d’angoisse qui m’avait étreint si fort quand j’avais vu en 1931 les lumières de Budapest s’éloigner dans la nuit. Le flambeau ne s’éteindra plus.

Pardonnez-moi cette émotion. Merci encore pour tout ce que m’apporte votre amitié. Croyez-moi  votre fidèle et dévoué

Aurélien Sauvageot