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Franco-Hungarian Literary Relations

SA017

13100 Aix en Provence, 1, avenue Maurice Blondel
Date: 05-06-1982
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (01-09-2017)
Folio number: 2

Mon cher ami,

merci de votre lettre et des coupures qui l’accompagnent et me rappellent que vous êtes infatigable dans la recherche des faits qui marquent l’histoire de nos relations réciproques. Vous posez bien des questions auxquelles je vais essayer de répondre tant bien que mal. [...]

Les semaines hongroises dans telle ou telle ville de province, c’est très bien mais quelques mois plus tard, c’est oublié. L’effort auquel je pense est autre chose, de plus durable. Pour ce qui est d’Aix, en voie de devenir la deuxième ville universitaire de France, c’est un enseignement du hongoris qu’il faudrait créer. Pour ce qui est de mes réflexions sur Ady, je crains m’être mal exprimé. Je ne l’ai pas jugé. J’ai simplement constaté. De même que j’ai constaté que Babits avait toutes les peines du monde à déchiffrer une page de français. Ne parlons pas de Karinthy, il était hors d’état de lire quelques lignes de français. A ce propos, je n’ai reçu que quelques exemplaires des Nouvelles Etudes Hongroises. Le dernier en date est de 1972. Je n’ai pas reçu Arion mais j’ai lu votre article sur Paul Demény.

La raison pour laquelle j’ai renoncé à écrire ou plutôt à récrire ce livre que je voulais consacrer à Ady est que je ne disposais pas d’un assez grand nombre de traductions valables. Je ne pouvais me contenter des seules qui soient acceptables, à savoir celle d’{Armand Robin. Ady ne souffre pas d’être « aplati » ou dénaturé. Il faut refléter sa violence, sa concision, faire passer ses effets dus à l’exploitation de l’acceptation étymologique des mots et rendre tout cela en se gardant bien de recourir à la métrique traditionnelle de la poésie française. J’ai eu raison si j’en juge par les échantillons que vous avez relevés de la traduction de Jónás könyve. C’est totalement fou. Faire du pastiche de Villon aux frais de Babits, quel outrage ! Ces obsédés n’ont rien compris à la poésie hongroise qui, de tradition, se distingue par sa nature pudique. Quant qux « virtuosités » de la forme, j’avoue qu’elles ne m’enthousiasment pas. J’ai particulièrement goûté le contresens au sujet de Mert vétkesek közt cinkos aki néma (cité deux fois dans A magyar nyelv értelmező szótára !) Le terme essentiel est cikos et il fallait traduire « Qui se tait parmi des coupables est complice ». Quant à l’adaptation de Guillevis, elle est vraiment très éloignée de l’original mais ce n’est peut-être pas de sa faute. Il faudrait savoir quelle sorte de mot à mot on lui a mis sous les yeux. Je lui avais proposé mes bons offices mais il n’a pas donné suite à mon offre. Je le regrette car je n’aurais pas laissé passer ça. [...]

Ce aui m’inquiète d’autre part, c’est qu’à Paris, depuis le départ de Gergely János, l’effectif des cours tant à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales qu’à l’Université de la Sorbonne Nouvelle, a sensiblement diminué alors que les étudiants de finnois continuent à être de plus en plus nombreux. Je sais que le finnois est plus facile pour les Français que le Hongrois mais, de mon temps, le cours de hongrois était plus suivi que celui de finnois. Ou, il ne faut pas se faire d’illusion, le seul public sur lequel nous pouvons compter est celui des étudiants qui ont suivi les cours. Il faut qu’ils soient plus nombreux. C’est une des raisons pour lesquelle je regrette qu’il n’y ait pas d’enseignement du hongrois à Aix où vous verrez, par les coupures ci-jointes, que nous commençons à être assez bien implantés. Ces jours-ci, nous avons une exposition d’art hongrois qui sera visitée avec plus d’intérêt que celles organisées à Paris où tout se noie dans le charivari de la grande ville.

Le président de lq République Française va vous faire visite. C’est la &e fois qu’un chef d’Etat français met le pied sur la terre hongroise. Il faut à tout pris que cette visite soit un succès. Je m’y emploie en coulisse le plus que je peux. L’horizon est favorable. Il faut en profiter. [...]