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Franco-Hungarian Literary Relations

SA034

Date: 06-03-1985
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 2

Cher ami,

merci pour votre lettre et pour votre copie du rapport de lecture de mon manuscrit.

Commençons par les questions que vous me posez et auxquelles il n'est pas facile de répondre.

  1. rien n'a été publié par « Aristide » dans leFigaro. Je vous l'aurams aussitôt envoyé

2° Je n'ai pas connu J. Corti. En revanche, j'ai leçu, avant la guerre, la visite d'A. Steiner. I1 m'avait demandé de lire ses traductions d'Ady qu'il cherchait à publier.I1 s'imaginait que je pourrais lui trouver un éditeur.

3) Pour ce qui est de la plaque du Panthéon, il fau drait s'adresser au Ministère des Anciens Combattants. Ils doivent avoir les renseignements dans leurs archives.Sinon, tournez vous vers la LICA (la ligue bien connue contre l'antisémitisme et le racisme).

4) Pour les thèses soutenues en Sorbonne, les dossiers sont au sacrétariat de l'{Université  de la Sorbonne nouvelle (Paris III).|5689}

Au sujet de Pierre Emmanuel, ce que vous avez omis de rappeler, c'est qu'élu à l'Académie Française,il en a démissionné, fait très rare,lorsque celle-ci a élu Félicien Marceau dont le rôle pendant l'occupation avait été très critiqué.

Pour ce qui est de votre rapport de lecture,je ne que vous eu remercier.Tout au plus puis-je répondre à deux interrogations. Pourquoi n'ai-je pas entretenu de relations avec les sociaux-démocrates hongrois? Parce que le devoir du réserve me l'intardisait. J'étais sous passeport diplomatique.Ma mission était officielle et c'est la raison pour laquelle la Főkapitányság est intervenue pour protéger mes cours même contre l'avis au recteur. Si Khuen-Hédervàry savait que j' étais socialiste? Tous Les officiels le savaient car il y avait la police politique pour les renseiner.

Naturellement, mes souvenirs concernant la Hongrie ne figurent pas tous dans ce petit ouvrage mais ils sont compris dans le reste de mes mémoires, de 1936 à malintenant. Si j'ai rédigé à part ceux de mes ouvenirs de la période 1923-1933, c’est que j'y ai déposé, des détails qui n'auraient pas tellement intéressé un lecteur préféré écrire à part tout ce qui s’était passé d’intéressant pour l'historien de l'Europe Centrale.C'est ce que j’ai fait avec mes souvenirs de mes relations avec l’Allemagne, parues en 1957 sous le titre Recontre de l'Allemagne que vous connaissez,si je ne me tromp.

Il est curieux que trois Français se soient trouvés en même temps en Hongrie : Mistler, Gachot et moi-même.Mais en réalité, j'étais le seul chargé de remplir une mission bien dérinie. Ou [ ?] m'avait arraché à mes études scandinaves pour me lancer dans le finno-ougrien.Les deux autres sont venus à Pest pour des raisons de convenance personnelle.Mistler voulait échapper à l'enseignement secondaire dans quelque ville de la province française et Gachot avait besoin de gagner sa vie puisque son notable de père lui avait coupé les vivres. Il avait accepté le poste qu'on lui offrait. Il serait aussi bien parti ailleurs. Si l'on s'élève au-dessus des contingences habituelles, il y a lieu de méditer sur les enchaînements du destin. Mon premier contact avec votre pays, je l'a en accidentellement à trois ans.Na mère, par la suite, a cru voir dans cette rencontre autre chose que le jeu du hasard.Ce qui a décidé Antoine Meillet,Paul Boyer et Joseph Vendryès à me désigner pour remplacer Robert Gauthiot, c'est le fait que j'étais nu en Turquie et que j'avais parlé turk ! Mais comme je l'évoque dans mes souvenirs personnels, c'est grâce à un consul austro-hongrois que ma mère, mon frère et mes soeurs, nous avons échappé au massacre à Lesvos en avril 1909 ! Peut-être pour ces raisons <...> certains ont vu dans cela comme une sorte de prédestination.

C'est cela qui m'a amené à proposer la conclusion que vous auriez préféré voir remplacer par quelques vers d'Ady Cette fin est destinée au lecteur français. Pour qu'il comprenne que le problème de la civilisation hongroise se pose toujours avec tout ce que cela implique pour les Hongrois de maintenant comme pour ceux au milieu desquels j'ai végu.Tout ce complex qu'Ady a résumé dans sa formue Szép magyar sors...

Vous trouverez ci-joint une coupure du Figaro. Son auteur est un des anciens élèves que j'ai Nationale des Langues Orieltales vivantes dans les années 33-34, donc tout au début. Il était venu faire du finnois et il s’est intéressé az hongrois. A cette époque-là, i1 faisait partie des jeunnesses d’Action Française.11 me souvient même d'un incident, le 6 février 1934. Mon cours de finnois se terminait à 18 heures. Il m’avait demandé la permission de lequitter plus tôt.C'était pour aller rejoindre les groupes de jeunes d'Action. Française pour la manifestation monstre que l’on sait. Je lui avait refusé cette permission en lui disant qu’il pouvait quitter mon cours mais qu’alors, il n’y reviandrait plus. C'était le temps où le professeur étai maître après Dieu. Il était resté jusqu'au bout. Quand ensuite, j'ai été destitué par Vichy, il a été l'un des premiers à m'écrire the lettre dans laquelle il s'indignait de la mesure qui m'avait été infligée. C'était courageux et depuis 'nous n'avons plus cessé d'échanger de temps en temps quelque idée. Ce petit papier sera lu par un demi-million de Français. Il l'a écrit spontanément, sans aucune suggestion de ma part. Ce que je lregrette de ne pouvoir faire, c'est de lui envoyer un exemplaire de mes souvenirs de Hongrie. Il saurait en tirer partie. Car là est désormais la question : faire savoir au pus grand nombre possible de Français qu’il existe un pays qui s’appelle la Hongrie, qui a su ser créer une civilisation originale pal la façon dont elle a su utiliser le patrimoine de ses ancêtres. Ce problème de civilisation se pose ou se posera bientôt un peu partout.

Il convient aussi de faire comprendre aux gens d'Occident que ce qui s'est passé en Hongrie après la dernière guerre était une nécessité historique.Je crois que tous les Occidentaux qui pourraient me lire en seront vite convaincus.Enfin, il faut montrer que l'expérience hongroise de l'apiès-g[ ?] n'a rien de commun avec ce qui s'est passé ailleurs, notamment à Prague ou à Varsovie.

Les vacances vont bientôt toucher leur fin. Pour le moment, 15 millions de Français sont en mouvement toutes. Auxquels s'ajoutent plusieurs autres millions d'étraners, surkout Allemands et Américains. Plus de 10 millions du vénicules sont sur les routes. C'est effrayant quand on y songe. Même dans un petit coin perdu comme ici, ça circule de tous les côtes jusque tard dans la nuit et dès la première lueur du jour.

Je crains que la rentrée ne soit marquée par des difficultés sociales importantes. Du poit de vue politique, c’est la chaos. Partout des congrès, des rassemblements, des rencontres.Tout cela se fait en Province puisque la capitale est vide. Des « clubs », des rassemblements, des réunions se tiennent à longueur de journée dans les endroits les plus inattendus.Je n'ai encore jamais vu pareille chose. Que de verbiage ! Je me demande ce que cela peut donner.En attendant, il éclate des incidents tous les jour, entre vignerons français et camionneurs qui transportent du vin d’Espagne quand ce ne sont pas les horticulteurs qui attaquent, et répandent sur la route les fruits d’Espagne. Et puis, il y a aussi la guerre de la tomate, etc.

Il me semble vous avoir tracé un croquis assez fidèle de ce qu'est la vie ici.Avec plus de 200.000 estivants sur la seule plabe de Valras, tout près d'ici. Ln vous souhaitant de bien terminer cet ée, je vous prie de me croire votre fidèle et dévoué

Aurélien Sauvageot


Annexe

USAGE ET GRAMMAIRE Une lettre réconfortante PARMI les aimables fidèles qui me lisent et, mieux encore, me « surveillent », j'ai l'honneur de compter un linguiste éminent, M. Aurélien Sauvageot, à qui ma chronique (25 juillet) consacrée à Une éducation d'écrivain, de Jean-Louis Curtis, a inspiré une longue lettre dont il me faudrait tout citer. Mais, d'abord, qu'il sache bien que j'y ai écrit : « Les gens à plume (et non de plume), s'ils ne sont pas des serins... », en toute connaissance de cause − ces oiseaux, auxquels ma phrase, ironiquement, les assimile. « La richesse véritable d'une langue, m'écrit-il, tient au nombre des procédés grâce auxquels elle peut exprimer le plus de concepts possible sans s'encombrer pour chaque concept de trois ou quatre mots. » Eh bien, nous aurions cette supériorité sur l'anglais. M. Aurélien Sauvageot s'oppose donc ici à Jean-Louis Curtis, pour qui dr le français est une langue moins riche ». Ecoutons ses arguments : « Comment peut-on dire riche une langue qui ne sait pas exprimer la deuxième personne du singulier, qui n'a ni futur de l'indicatif, ni conditionnel, ni impératif de la première personne du pluriel, ni infinitif et qui est contrainte de nier comme aussi d'interroger au moyen d'un verbe auxiliaire ? Et ne parlons pas de ses procédés de dériva-tion. lis sont si pauvres que l'usa-ger se trouve constamment dans la nécessité de puiser en fran-çais, latin ou grec pour faire des mots nouveaux... » Voilà des aperçus d'autant plus réconfortants que M. Aurélien Sauvageot, à l'inverse de beaucoup d'entre nous, voit l'avenir du français en rose, parce que, « depuis une vingtaine d'années, il s'est assoupli au point de pouvoir exprimer avec plus d'efficacité des idées et surtout des nuances qui impor-tent beaucoup dans notre civilisa-tion et que l'anglais n'est pas en mesure de rendre. La phrase an-glaise a gardé la rigidité qu'avait la nôtre du temps de Voltaire et qui n'est plus de mise. Cela comptera de plus en plus à l'âge de l'informatique... » Acceptonsen l'augure, et merci, cher Aurélien Sauvageot, pour cette chro-nique «savante », que je vous dois toute. J'ajoute que je ne suis pas peu fier, malgré mon igno-rance dans un tel domaine, d'avoir néanmoins toujours deviné, comme vous le dites si bien, « que l'introduction de mots et de locutions étrangères est toujours le fait de gens qui ne possèdent que très imparfaitement la langue étrangère ». Qu'on se le dise dans tous les médias, et surtout audiovisuels. ... Je rentre d'une promenade au soleil où je suis passé devant un restaurant qui a pris pour en-seigne : Le Faste fou. Je ne pou-. vais trouver une meilleure chute. ARISTIDE.