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Franco-Hungarian Literary Relations

SA031

l’avenue Maurice Blondel, Aix en Provence
Date: 05-10-1984
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 2

Cher Ami,

merci de votre lettre à laquelle je réponds, comme trop souventehélas, avec un retard dû aux petites corvées dont je dois par moments m'acquitter. C'est encore le cas cette fois.

Je suis heureux que vos mérites aient été reconnus même chez vous.Vous savez qu'on n'est pas souvent prophète en son pays. Ce n'est pas nouveau. Par contre, je suis scandalisé du silence de notre ambasade, surtout à l'avant-veille de la visite attendue de Kádár János.

Non, je ne lis pas le Monde et je jette juste un coup d'oeil sur le Figaro qui a le mérite de me renseigner sur ce que disent les gens avec lesquels je ne suis pas d'accord. Il faut toujours être informé de ce qui se passe dans le camp adverse. Autrement, on risque  d'avoir des surprises désagréables.  C'est ce qui advient au gouvernement devenu largement minoritaire faute de s'être aperçu qu'il perdait la confiance de la majorité des électeurs. On dirait que les gens, euand ils arri-vent au pouvoir/ perdent toute faculté de percevoir ce qui se passe autoul d'eux.

Boros László, de Corvina, m'a écrit au sujet de mes souvenirs de Hongrie. Je ne vois pas d'inconvénient à ce les imprime en français, ce qui permettrait à Magvető de les publier aussi ôt après en traduccion. Je viens de recevoir un mot de Szélpál qui demande de leur envoyer une photocopie du manuscrit (plus exactement de la dactylographie) de ces mêmes souvenirs. Mais le problème n'est pas à Budapest, il est à Paris. Mes souvenirs ont été écrits à l'usage des Français. S'ils les lisent, ils comprendront probablement mieux le drame, ou mieux encore la tragédie qui a été celle du peuple hongrois, Ils y découvriront qu'il existe en Europe une nation dont la survie importe à. tout l'Occident. Et surtout, ils comprendront que ce qui s'est passe après la deuxième guerre mondiale était déjà inscrit dans les clauses du traité de Trianon.

Je déplore, évidemment que les Publications Orientalistes n'aient pas cru devoir me faire paraître. Je m'en demande la vraie raison. Mme Sieffert, la directrice s'abité [ ?] comme vous l'avez lu derrière son « lecteur », comme aussi dans l'affaire de la traduction de Rózsa Sándor. C'est trop facile et depuis quand la personne responsable d'une maison d'édition se soumetelle au diktat d’un lectuer ? Et puis pourquoi a-t-elle cru: devoir faire « lire » mon texte au lieu de le lire elle-même ?Je n ‘avais jamais connu  ce genre de procédure avant elle. Aucune, maison d ‘édition ne m’a fait « lire », ni Larousse, ni Hachette, ni Gallimard ni d'autres non plus.

Comme le Bartók de Gergely et Vigué partage le sort de mes manuscrits, j'en conclus qu'il y a une volonté arrêtée de ne rien publiér de ce qui est écrit de notre côté. Sommes-nous victimes d'une petite mafia qui veut se réserver l'exclusivité de tout ce qui a rapport à la Hongrie? Sommes-nous victimes Sur d'un changement d'attitude qui résulterait de la rentrée scène des Roumains et des Tchèques? Nous en reviendrions alors à la situation d'avant 1939.

Dans l'un et l'autre cas, la solution est de conclure un accord commercial avec un éditeur français ou encore avec une grande librairie de vente, comme la FNAC, par exemple. Il faudrait aussi essayer de voir si l'on ne pourrait pas s'arranger avec un grand éditeur belge, comme celui qui a déployé ses collections du type Marabout et qui est en train de faire une entrée en force sur le marché français.

Votre article sur Bencze m'a révillé quelques souvenirs d'un temps qui a compté dans ma vie. Comme vous la savez, j'avais été mobilisé dans la Marine  comme il étaitú naturel puisque j'appartenais à cette arme.J'avais même espéré être envoyé sur quelque bâtiment de guerre, de préférence un sous marin mais  il en a été décidé autrement par mes supérierors. Fouques-Duparc, qui dirigeait à cette époque les services d'informatiou du Quai d'Orsay a dû demander à la Marine de lui rendre le service de mett re debout une émission Hongrie.Je ne pouvais choisir que des fens sûrs, donc en difficulté avec le Kurzus. Bencze était de ceux-là. Mais il m'en fallait deux autres et c ‘est là que la difficulté a commencé. C’était à qui commanderait à la Radio. Pour compliquer encore les choses, Mme Bencze s'est mêlée de l'affaire;elle a tellement indisposé les collaborateurs que l'un d'entre eux l'avait traitée de giliszta asszony... ! Hélas, les événements ont mis tout le monde d'accord. Après la guerie, quand la Librairie Larousse a réédité son Encyclopédie permanente, Bencze qui avait fourni le chapitre [ ?] sur la Littérature hongroise dans la première édition, a voulu imposer à Larousse ses conditions. Il se refusait à faire une place la assez importante à la littérature d'après-guerre. Larousse m'a alors demandé d’improviser une contribution plus accueillante aux nouveaux écrivains. C'était l'époque où, comme relations vous le savez, j'étais le  seur à entretenir des relations régulières avec les officiels hongrois, relations dont je dois dire qu'elles furent toujours courtoises et le plus souvent même amicales.

Je sais que vous avez passé l' éponge sur ce qui s'est passé durant ces années critiques et vous avez bien fait. C'est dans la plus pure tradition hongroise.Mais durant tout le temps qui a partie de la trouvé dans une situation dont le moins qu'elle était inconfortable.Surtouedans de précédé cette réconciliation entre la plus grande partie de la Diaspora et le nouvel Etat hongrois, je me suis trouvé était inconfortable. Surtour [ ?] dans les années qui ont précédé le retour au pouvoir du général témoin de Gaulle. Vous avez été témoin de tout cela.

Pour l'instant, ce qui m'occupe, c'est donc de voir sortir mes souvenirs de Hongrie qui orment un volume à part de l'ensemble de mes souvenirs. J'ai cru devoir les rédiger séparément pour m'expliquer tout à l'aise sur cette expérience que j'ai faite. C'est l'une des raisons pour lesquelles je ne songe pas un instant à accepter la suggestion de Mme Sieffert. Une laquette sur quelques écrivains inconnus du public français ne rime à rien. Si elle a fait cette suggestion, c'est pour amortir l'effet produit par son refus. C'est une défaite et rien d'autre. En efet, dans la suite de mes souvenirs, je traiterai de la période 1933−1939 et de la suite. La Hongrie y sera souvent évoquée mais dans des circonstnces telles que le lecteur français y trouvera plus d'intérêt. J'ai pensé qu'il était de mon devoir de révéler bien des choses qui surprendront.

Vous me demandez ce que fait mon fils. Il est le ti-tulaire de la chaire de linguistique africaine à la Sorbonne Nouvelle (Paris III) après avoir passé 17 ans en Airique Occidentale Française comme directeur de rechercne à l'Institut Français d'Afrique Noire à Dakar. I1 s'est fait connaître, entre ǀ :author :ǀ travaux, pai une thèse encore jamais été étudié.

Vous trouverez ci-joint une petite coupute qui est très suguesuive. Elle prouve qu'on s'intéresse aux choses hongroises en province bien plus qu'à Paris.C'est compréhensible: Paris, c'est, comme l'avait écrit Romain Rolland la « foire sur la place ». Et cela n'a fait que croître et embellir. Dans ce tumulte qu'est la vie parisienne de nos jours, il faut faire beaucoup de bruit pour se faire entendre et entednre et encore cela n'a pas de durée. Il faut recommencer tout le temps, ce qdans les moyens d'une nation presqu'inconnue.Veuillez conster [ ?] vous-même que ni le Portugal,ni même l'Espagne et à pein l'Italie ne peuvent faire apprécier leur littétature à Paris. Un succès isolé est vite effacé. Par contre, on peut faire quelque chose de plus durable dans la province. Kodály a pris pried à Aix mais pas à Paris. C'est ce que je m'époumonne depuis années et des années à faire entendre à vos représentants qui resten fascinés par ce Paris où tout se perd. Nous n'avons toujours pas d'enseignement du hongrois ici, en dépit de toutes nos démarches.

Une autre erreur, que commet le « lecteur » de Mme Sieffert est d'estimer que la Hongrie n’intéresse personne en France. Ce n'est pas vrai. Mais, malheureusement, ce qui intéresse pas mal de Français, c'est la vie hongroise, la politique hongroise, l'expérience communiste de la Hongrie.On me crible de questions à ce sujet et si je suis désolé de ne pouvoir sortir mon ouvrage, c'est justement parce qu'il traite d'un ensemble de questions quitue [ ?] sont pas uniquement littéraires. Beaucoup de Français s'intéressent à la Pologne mais pas à sa littérature.

Vous me direz que plusieurs publications devraientt répondre à cet intérêt. Oui, mais le choix des articles est maladroit et la plupart de ces publications sont écrites dans un français trop fautif, ce que je ne comprends pas car il serait tout de même assez facile et moins <...> coûteux de s'assurer les services de Français compétents ayant appris le Hongrois. C'est à cela que sont préparés les diplômés que nous formons à Paris III. Si je dis moins coûteux, c'est qu'il est t ès coûteux de faire imprimer des publications que personne ne lira.

Je suis désolé à la pensée que je n'aurai pas le plaisir de votre visite. Nous aurions tellement de choses à nous dire !

Je souhaite que ces lignes vous trouvet en pleine forme et vous répète que je suis votre bien dévoué

Aurélien Sauvageot