BLE_PIM052

Budapest
Date: 23-06-1985
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (21-09-2017)
Folio number: 1

Doux Confrère,

je remercie, avec gratitude, le bouquin Krudy auquel j’attache une grande importance, tout en sentant hélas ! que nous serons, une fois de plus, déçus car le faùeux mur dont parle Illyés dans Variations françaises n’est pas prête d’être percé... Je vous prie de bien vouloir me fournir de renseignement ultérieurs sur la réception de ce N.N. (quel est le tirage ?), va-t-il tombé dans l’océan d’indiff »rence qui caractérise nos amis les Gaulaois (cf./ Le bébé géant). En tout cas, si cela sera un nouvel échec, ce ne sera point votre faute, car votre préface frise la perfection. L’avez vous pondue en français directement ? Est-ce une traduction ? A-t-elle été revue et corrigée par Madame? En tout cas, au delà de ma curiosité que vous jugerez peut-être bien indiscrète, je peux vous affirmer que vous pouvez en être fier : l’analyse pénétrante à laquelle vous y procédez, l’intelligente sensibilité et l’exploration des tenants et aboutissants, proches et lointaines (allant jusqu’au Japon!) rendent vos propos dignes des meilleurs essayistes français ; quant à vos périodes, d’une harmonie et d’une ampleur cadencées, sont à la mesure de la prose mélodieuse et ondoyante de Krudy même et rappellent celles de votre regretté maître Gyergyai, lui-même inspiré par Proust... J’ai savouré les allitérations comme « moiré de la pure mémoire miroitante », et j’y ai même trouvé un mot dont j’ignorais le sens (« oriel »). Un bon point pour l’éditeur qui a bien voulu corser le volume de quelques photos !quant à la version française de la prose diverse et ductile ; subtile et fluide ; onctueuse sans cepandant friser l’amphigourique, d’une langueur sensuelle et emphatique sans verser dans la boursuflure, céest une autre paire de manches ! Jusqu’à présent personne n’a pu se hausser jusqu’à l’original, ni Hankiss qui a traduit pour l’Anthologie de la prose hongroise (1938) le conte intitulé Sur la rive ; ni le très regretté Kelemen qui a publié, dans Panorama de la littérature hongroise du XXe siècle (1965) Cours de danse, L’arbre fourchu et Le dernier cigare au coursier arabe (non, je me trompe, ce dernier texte est dû à Péter Komoly, mont également) – je précise que pour cet imposant recueil (que vous ne connaissez peut-être pas et, je pense, Violette Lafleur non plus...), j’avais traduit une nouvelle de {Móricz, un extrait des Condamnés (« Halálfiai ») de {Babits|1446}, la Baignade de Kosztolányi, Le bison de Bródy, ainsi que Le poulet et la femme du même auteur, Sous le remblai de Thury, un extrait de Une possédée de Németh, Suli Kis Varga à la coopérative de Veres, La légende du fouet fleuri de Szabó Pál – ni tous les autres, car – contairement ce qu’a affirmée la note dans Le Monde en 1982 – bien de contes de Krudy avaient été traduits, outre ceux cités plus haut, dans la Nouvelle Revue de Hongrie (1941 et 1933), dans Arion (1973) et il ne faut pas oublier les efforts déployés par mon ami Gachot (La Nouvelle Revue Française, 1974) qui a traduit 4 récits (sous presse chez Corvina) et qui vient de faire une conférence ici, au PEN, le 14 mai. Je fus un peu déçu car il ne s’est point cité, c’est-à-dire il n’a donné aucun passage de sa traduction, mais fit des rapprochements plus ou moins valables entre Krudy et Larbaud, Cocteau, Apollinaire, Toulet et Tinant (donc, il faut croire que votre magistrale exploration n’est pas compète...).

Je crains que vous n’ayez pas reçu ma grande enveloppe de cette fin d’hiver, bourrée de coupures comme d’habitude et refermant une missive qui donnait mon point de vue sur la mémorable affaire de PUCK contre Somlyó. Votre silence à ce sujet indique-t-il la non-réception ou le dédain ? Vous n’avez daigner répondre à ma question : avez-vous lu ma lettre parue dans Le Monde du 25 janvier...

Vive Croudy ! {André Lazar|}