BLE_PIM036
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (21-09-2017)
Folio number: 1
Cher Claude,
J’espère que Tu as reçu ma carte expédiée de « mon » château. En rentrant j’ai trouvé ma lettre du 20/10 avec tes notes et celle d’{ARTISJUS|}. Je crois que cette dernière affaire est régée, car on ne m’a pas relancé pour les droit Desqueyroux... Deux bonnes nouvelles : j’ai appris hier que notre livre n’est plus au point mort ; la « rédactrice » travaille dessus ; elle doit finir pour 15 avril, donc si tout va bien, le manuscrit ira sous presse dans quelques mois... La revue NAGYVILAG qui avait déjà publié en 1975 (Proust) et en 77 (voyage en Espagne) deux extraits du T.I., récidive en mai en publient 32 feillet dactylographiés du t. IV sur l’Occupation et l’insurrection, avec une coutre introduction que je viens de rédiger à l’instant et je dis que Tu es le digne continuateur des Goncourt, Amiel, Du Bos, Gide et Léautaud...
Je te reppse la même question un tantinet modifiée que j’avais posée dans ma lettre susmentionnée as-tu vu ma lettre dans LE MONDE (25 janvier) ? (« Non hélas » a Tu répondu...).
J’ai terminé cette nuit le t. VIII. Auparavant, j’ai lu le méchant petit entrefilet dans le CANARD, la critique de Poirot-Delpech ; j’ai lu également ta déclaration dans Magazine Littéraire et je viens de lire dans LE MONDE le montage de P.-D. Sur ton père.
Je reviens à ta BERGERE (que Tu partages, n’est-ce pas, avec Apollinaire ?). Je l’ai lu très rapidement. J’étais très surpris par le grand nombre des alertes : je ne me suis souvenu, moi, que de deux (le raid contre l’usine Gnôme et Rhône, car j’habitais tout près avec Jacqueline et celui du lendemain de la Libération, fin août 44). J’ai fait, au crayon, sur les dernières pages blanches, comme d’habitude, un index (pas exhaustif cependant) des noms (je crois que l’un de tes critiques l’a réclamé ; il avait raison !). J’ai jeté un coup d’oeil sur les photos qui complètent ton bouquin et qui se trouvent dans le très précieux MANUEL DE ST GERMAIN DES PRÉS de Vian (Tu aurais dû citer ce qu’il a dit de Toi : « ...toujours vêtu de sombre, aimable... »). Quelques remarques : p. 33, on imprime LISZT, au lieu de LISZT ; Tu reparles de LILIOM (= »Lys »), mais Tu ne dis toujours pas qui en est l’auteur (F. Molnar et la pièce fut jouée en 47, je l’ai vue avec Grenier et Hussenot ; dans le MANUEL susdit, Tu peux voir une photo : Grenier – Liliom et R. Varte), mais la pièce avait été jouée déjà en 1923, avec G. Pitoeff, plusieurs autres excellentes comédies de notre grand dramaturge furent jouées également à Paris (ces précisions vont sans doute te faire dire que je suis « chauvin »...). Qu’est-ce que ce procès contre Hersant ? En as-tu parlé ailleurs ? Je n’en sais rien... J’étais surpris de retrouver le nom de P. Dalloz dont j’ignorais l’existence jusqu’à maintenant quand – en rédigeant mon petit livre sur Saint-Ex – j’ai lu la dernière lettre de l’auteur de VOL DE NUIT à ce grand résistant. A propos de VOI DE NUIT : maintiens-tu ton jugement sévère (p.223) ? Il me semble que Tu étais mon sévère dans ton étude que Tu avais consacré à St-Ex... J’étais ému de retrouver le nom d’André George que j’ai vu une fois avec le manuscrit de mon livre (inédit) LA LIBÉRATON DE LA PENSÉE ; j’ai suis allé sur tes conseils et c’est lui qui m’avait envoyé chez Garaudy qui voulait l’éditer, mais la maison de LA RENAISSANCE FRANCAISE fut liquidée par le PCF. Est-il vivant ? Pour revenir à l’essentiel : Tu écris (p.513) que « j’ai toujours autant besoin d’être rassuré ». Tu dois l’être ! Vois plus haut la liste éblouissante de tes prédécesseurs ! Moi, personellement, je suis persuadé du fait que même au bout de cent ans, ont te lira, on te citera car ton monumental T.I. possède une double valeur : 1.) son prix documentaire, historique, est fort précieux vu la quantité de personnages illustres qui y sont présents ; 2.) son prix personnel est également très grand car il montre les hésitations et les vicissitudes, les tourments et les plaisirs d’une âme sensible, ballotée entre l’euphorie des créateurs et le doute qui est la partage de tout auteur qui se respecte. Dans ce dernier tome, on est tout particulièrement subjugué par la fin, les douleurs de la séparation des lieux d’antan. Cependant, une question se pose : vas-tu continuer, et si oui, jusqu’à combien de tomes ? Je soulève cette question délicate car Tu n’ignores point que toute oeuvre d’art relève d’un rapport quantitatif aussi ; les proportions sont importantes (nombre d’or !) et une certaine exubérance peut nuir à la qualité intrinsèque. Dans ce volume aussi – comme dans les autres – il y a beaucoup de répétitions par la force des choses car la structure même de l’ouvrage l’implique. La répétition elle-même peut acquérir une valeur esthétique (cf. : poésie, nouveau roman, etc.), mais dans ce genre il peut devenir fastidieux. Elaguer et couper est très difficile et exige un certain renoncement (dont je suis très difficilement capable, moi aussi...), mais cela est, je crois, nécessaire.
J’espère que cette lettre n’est pas tombée dans la faute de la prolixité car je ne voufrais pas prêcher l’eau en buvant du vin...
Il est probable que l’automne prochain me verra à Paris, plaisir dont je fus privé l’an dernier...
Bien amicalement