BGY017

Date: 10-06-1929
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (25-08-2017)
Folio number: 2

Madame,

Vous m’avez donné à lire des pages si cruelles, que je n’ai pas pu le faire en une fois. Il m’a fallu à diverses reprises fermer le livre, calmer la révolte physique dont ses images étaient la cause, « reprendre pied ». Mais les nerfs apaisés laissaient alors la honte s’étendre, d’être fait de la même matière que des bourreaux. Et je revenais au livre, pour y voir encore reculées les limites de mon indignité. Tour à tour innocent et coupable : c’est le même homme, l’homme éternel. – Incarnations blanches ou noires. Songer qu’on aurait pu naître Pwnay !

Incarnation blanche, les novies [ ?] vous ont fait subir un martyr surhumain. Et ce sont elles qui osaient s’appeler les Blancs ! Mais aucun martyre n’est perdu, (quand il est involontaire). Votre faiblesse, opposée à tant de violences, votre terreur – comme nous la comprenons ! – devant ce magnifique courage qui consiste à torturer des prisonniers, vos larmes et votre sang mêlés, composent aujourd’hui une force formidable, en 300 petites[ ?] pages imprimées. Là où des milliers de leviers sont nécessaires pour ébranler la statue d’un dictateur, un livre comme le vôtre peut suffire à le jeter bas. Et puis, Madame, ceux qui vous connaissent savent que ce martyre a eu un autre résultat : il a paré votre jeune visage de beaux cheveux blancs...

Ma femme, qui a frémi elle aussi en vous suivant « sur le chemin des douleurs », me demande de joindre une lettre d’elle à la mienne. Que ce double témoignage vous montre à quel point vous avez touché un double coeur !

Je vous prie de me rappelez au bon souvenir de Monsieur de Bölöni, et de croire, Madame, à mes sentiments de profonde admiration et de respectueux attachement. Claude Aveline