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Franco-Hungarian Literary Relations

SA045

Date: 23-01-1986
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 2

Cher Ami,

une fois de plus je dois vous prier de m’excuser d’ avoir tant tardé à vous écrire. La principale raipubli son a été que je n’ai reçu que très tardivement les cations dont je rendo compte dans le Bulletin de la Société de linguistique de Paris. Pensez que le fascicule 4 de Magyar Nyelv ne m’est parvenu qu’avant-hier et j’ai dû le lire et en faire le compte-rendu pour mettre tout à la poste ce matin.

Merci pour les photocopies. Je ne connaissais que celle d’Az Est. Gombocz avait été interviewé alors que j’étais à Paris puisque la soutenance a eu lieu le Il juin 1929. Ce jour ne marque évidemment pas une date dans l’histoire des relations culturelles de nos deux pays mais elle n’est pas non plus totalement négligeable. C’est la seule, fois qu’une thèse de Sorbonne a été imprimée en Hongrie. Ensuite, c’est aussi la seule fois où les rapports sur la thèse principale ont été présentés par des professeurs étrangers (Gombocz et Setälä). Antoine Meillet n’a fait que lire ces rapports et ajouter son commentaire. Enfin, la thèse principale était dédiée à la fois à Antoine Meillet et à Gombocz. Mes collègues de l’époque avaient considéré que c’était une thèse presque totalement hongroise. Deux ans plus tard, en 1931, j’ai fait partie de la délégation hongroise envoyée à Genève au Congrès International des linguistes. A la demande de mes collègues hongrois, j’ai même prononcé l’allocution d’usage lors de la dernière séance. Le reste vous le savez. La chaire de Langues Finno-ougriennes a été créée en 1931 et le premier cours de hongrois a eu lieu le 9 novembre de la même année rue de Lille.

Sauf dans les milieux universitaires, on n’a pas attribué dans le public instruit de chez vous une bien grande importance à ces événements. C’est que les intellectuels de chez vous ne savent pas quel rôle important les universitaires jouent en France. Surtout, cequ’il ne faut pas oublier, c’est que les universitaires français se sont souvent mêlés de politique: Herriot, Painlevé, Jaurès étaient sortis de Normale Supérieure, tout comme Pompidou après Léon Blum, etc, etc. Et puis, on nous a assez reproché d’être une nation de diplômés. Songez qu’il y avait dans la chambre élue en 1981 90 députés universitaires et que la a nouvelle assemblée en  compte à peu près autant.

Nos universitaires sont très politisées. C’est à la fois un bien et un mal. A l’inverse, les écrivains se mêlent en général beaucoup moins des affaires publiques.

Vous me demandez si je suis ment « archivé». Hélàs, comment le serais-je ? En 1940, j’ai dû précipitamment dêtruire les documents les plus compromettants. Là-dessus, les  perquisitions sous le régime de Vichy m’ont dépouillé du reste. J’avais cru avoir mis en sûreté une autre partie de mes corrspondances,  notes, documents divers dans la maison que possédait ma belle-mère dans le village des Gras, à la frontière suisse. Hélas, les Allemands ont occupé ce village. La maison a été réquisitionnée par les Allemands qui y ont logé deux officiers. Le résultat a été que je plus rien retrouné. J’y conservais pleusement des lettres de Georg Brandes, Knut Hamsun, Arne Garborg, Selma Lagerlöf, etc, etc sans parler de celles de Babits, de Kosztolányi, Móricz, <...>, etc, etc.

L’interview d’Az Est, dont je me souviens très bien est toujours valable, comme vous-même< ?> venez de le rappeler dans. És du 25 avril dernier (Nyugaton a helyzet...).

A ce sujet, permettez-moi de vous dire franchement ma pensée. Ni votre ambassade ni Paris ne font leur votre Institut les lettres hongroises. Je vous  joins le dernier bulletin que j’ai reçu de votre Bureau d’Information de Paris. Voyez le sort qu’ils ont fait à la célébration du cinquantenaire de la mort de Kosztolányi. Si vos représentants officiels à Paris ne s’occupent pas de la littérature de votre pays, qui s’en chargera ? Des amis désintéressés ? Il y en a et il y en a eu mais cela ne suffit pas. Nous avons, heureusement, un Centre d’études hongroises dirigé par mon ancien élève et ami Jean Perrot. Espérons qu’on lui donnera les moyens de faire quelque chose. Mais vous le voyez il faut encore se servir des universitaires et deˆl’Université.

C’est pourquoi je déplore qu’on n’ait pas depuis longtemp envoyé auprès de L’université de Provence un lecteur ou une lectrice comme je l’ai tant de fois suggéréé. La Hongrie est le seul pays absent. Alors que la conjoncture lui est la plus favorable. De tous les pays de l’Est, c’est celui qui a la meilleure cote. Cette carence est fâcheuse parce que la France va changer profondément dans les années qui viennent. Pour la première fois depuis Henri-IV, le pays va être administré par des pouvoirs se rendre de plus en plus autonomes. Le vieux Jacobin je suis le déplore mais c’est désormais une réalité avec laquelle il faut mais compter. Un centre comme Aix va connaître un développement important, voisin qu ‘il est de la deuxième ville de France. Déjà nous comptons plus de 2000 étudiants américains (venus pour la plupart de Calfornie). A cela s’ajoutent beaucoup d’Asiatiques et pas mal d’Africains. Quant aux  Allemands (Aix est jumelé avec Tübingen), Néerlandais, Scandinaves, etc, ils ne se comptent plus. Un groupe de jeunes écrivains anglais publient même ici une revue.

Pour toutes ces raisons, je ne comprends pas l’absence de la Hongrie dans ce lieu de diffusion mondiale.

Etant donné les informations dont vous disposez, vous n’avez pas été surpris du résultat de élections légilsatives. Comme je m’y attendais, l’opposition l’a emporté. Ce que<s> les sondages n’annonçaient pas mais ce que nous savions, c’est que le Front National emporterai<...> de nombreux sièges (35). L’opinion est dans l’attente. Elle désire que les intrigues politiques cessent pendant quelque temps, si possible jusqu’en 1988.  Mitterand, supportera-t-il aussi longtemps de ne plus exercer le pouvoir momarchique dont il s’ était emparé ? Ce qui est sûr, c’est que l’homme politique qui sera jugé reseponsable  de la rupture aura brisé sa carrière. La nation ne le lui pardera pas.

Por en revenir à des choses moins frivoles, je suis moins porté que vous à estimer que dans l’ oeuvre de Kosztolányi, c’est la poésie qui l’emporte. Certes, elle n’est pas négligeable mais à lites mes yeux, comme je lui avais d’ailleurs dit en toute franchise, c’est la prose qui assuera la pérennité de sa mémoire. C’est lui qui a mis au point la prose littéraire hongroise et en a fait un instrument dont la perfection force l’admiration et je dirai même le respect. Je l’ égale à notre Maupassant ou à Tchékhov. Je me rappelle que quand je elui avais dit ,il en avait bouleversé. Je suis surpris que cet aspect de l’ouuvre de Kosztolányi n’ait pas tellement frappé la critique hongroise. A ce propos, je lis que Karátson aurait travaillé sous légide de mon vieil ami Gyergyai et mon ancien condisciple de {Normale|}, Etiemble. J’ai le regret de vous signaler que {Karátson|1945} a suivi mes cours et écrit sa thèse sous ma direction et que c’est moi qui ai foruni le rapport que j’ai d’ailleurs lu lors de la soutenance. Etiemble a effectivement présidé cette soutenance en tant que représentant de la Faculté.

. Ce qui est conforme au règlement. Vous savez que, pour ma part, j’ai été professeur des langues finnoque, pour ma part, j’ai été professeur des langues finnougriennes à l’École Nationale des Langues Orientales vivantes (aujourd’hui baptisée, < »> Institut National des Langues et Civilisations Orientales < »>,  une des « grandes écoles » fondées par la Convention en 1794 (An deux de la République Française une et indivisible). J’ajoute que cela a été un grand bonheur pour moi de ne pas avoir professé à la Faculté. Notre Ecole ne dépendait que du ministre et notre sta tut nous Conférait des pouvoirs que la Sorbonne n’accordait pas à ses maîtres. Cela facilitait la vie. Si j’avais eu le malheur d’être professeur à la {Sorbonne, je n’aurais pas pu faire la moitié de ce que j’ai fait. Je le vois par l’exemple de mon fils. Il est accablé de toutes sortes de corvées obligatoires: présidences de jurys divers, direction de thèses, seances de multiples commissions, rapports de toutes sortes. On n’en finit plus. Pendant ce temps-là, des piles de cassettes enregistrées sur place au cours de ses missions périodiques en Afrique Occidentale attendent d’être exploitées. En attendant sa retraite, il est dans l’impossibilité de publier quoi que ce soit d’important.

J’ai bien lu l’interview de {Roger Richard. Cela ne m’a satisfait qu’à moitié. Je ne sais pas pourquoi mais on n’a pas été très juste avec lui. On a oublié tout ce qu’il [ ?] a fait et en particulier que le 4 avril 1957, il était avec moi le seul Français présent à la réception de Kutas, en deliors, naturellement, de la délégation du Parti Communiste qui avait sa tête eques [ ?] Duclos. A cette époque-là, la Hongrie comptait moins d’amis qu’aujourd’hui... Et il n’ist plus compromettant d’apposer sa signature sur le registre de réception de l’ambassade. Je sais que le peuple hongrois est généraux. ll sait pardonner et ce n’est pas moi qui lui en ferai reproche. Mais l’Histoire garde  la trace de tout, même si certains oublient.

Pour ce qui est de la collection de ches Stock, permettez-moi de vous rappeler que cette même collection a publié en 1928 ma traduction de Babits : Timár Virgil fia. A cette époque, Lucien Maury la dirigeait. C’était un ami, scandinaviste, avec qui nous avions travaillé à Stockholm en 1918-1919. Il dirigeait aussi la Revue bleue qui a disparu avec lui. Il avait un goût très difficile et avait beaucoup goûté ce petit chef d’oeuvre.

J’avais eu l’intention d’y faire paraître une traduction que j’autais voulu faire de Halál fiai mais la guerre et sa suite ne m’en ont pas donné le moyen. L’une de vos entreprises d’édition aurait dû depuis longtemps conclure un accord avec un éditeur français, au besoin en Province.  Et puis, il faudrait faire passer une ou plusieurs traductions par une des collections de poche. Je ne comprends pas la passivité, par exemple, de Corvina qui garde <...> depuis des années le manuscrit de la traduction de Rózsa Sándor, par exemple, sous le prétexte qu’ils espèrent la faire sortir aux Publications orientalistes qui, après m’avoir demandé mes Souvenirs de Hongrie, [ ?] fini par ne plus en vouloir. Nous n’obtiendrons rien de ce côté-là carleur gestion déplorable les a mises dans une situation financière quasi déesespérée.

Etant donné la situation, il faut imprimer en Hongrie et vendre en pays francophone ensuite. Pas seulement à Paris mais aussi à Bruxelles, à Genève, <...> comme aussi à Montréal. Seulement, il faut <...> offrir ce qui peut intéresser le grand public. Et puis, il faut que les traductions impeccables. J’enrage chaque fois que je tombe sur des translations qui sont presque incompréhensibles à un lecteur français moyen. Quant aux lettrés, il ne faut pas faire d’illusion, ils sont trop absorbés à se faire valoir eux-mêmes pour s’intéresser à la cause de la civilisation hongroise. Je regrette pour cette raison aussi de n’avoir pu faire paraître mon livre. Je ne suis pas tellement inconnu dans certains milieux qui ont lu ce que j’ai écrit sur le français. Mon petit essait [ ?] « Français écrit-Français parlé » a été vendu à plus de 50.000 exemplaires et continue à se vendre au rythme de 1000 exemplaires et près par an. A quoi s’ajoute « Analyse du français parlé », sorti chez Hachette et qui continue à se vendre à peu près aussi bien. C’est pour ce genre de public que j’ai écrit, pas pour les snobs qui vont de réception diplomatique en réception diplomatique ni pour une certaine « élite » qui vit en vase clos dans son petit monde.

 Mais n’insistons pas davantage. Ici, comme à Marseille, il n’est question que du décès inattendu de Gaston Defferre. J’en suis moi-même très affecté. Je le connaissais depuis 1946 et nous avions milité ensemble dans le cadre de la SFIO. En 1967, je n’ai pas voulu rallier le nouveau parti créé par Mitterand et ses amis de la Convention des Institution républicaines qui n’avaient rien de socialiste ni les uns ni les autres. Je n’avais pas été le seul. Mon ami Jules Moch avait fait de même ainsi que de nombreux vieux militants.

En dehors de cela, l’insécurité générale commence à révolter les gens. I y a deux jours, une bombe a été trouvée dans l’un des lycées d’Aix.Un coup de téléphone avait heuresement alerté le proviseur et l’engin a pu être désamorcé à temps. Les autorités ont essayé de tenir la chose cachée, ce qui était complètement absurde parce qu’on ne cache ce qui a causé l’émoi d’un millier d’élèves...

Je ne sais le temps que vous avez mais ici, le chaud et le froid continuent d’alterner. Cela désole nos Provençaux habitués, je dirai même gâtés, à une météorologie à la fois plus clémente et plus constante.

J’espère que tout va bien chez vous et autour de vous. Croyez-moi votre toujours bien dévoué

Aurélien Sauvageot

Très cher ami, merci pour votre carte. Ce petit mot m’a fait chaud au coeur, comme disait Brassens. Je suis très ému ce nouveau gage d’amitié.

Ci-joint quelques coupures qui expliqueront pourquoi il n’y a pas que Paris qui soit triste et inquiet.