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Franco-Hungarian Literary Relations

SA027

Les Gras
Date: 22-09-1929
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (24-10-2017)
Folio number: 2

Bien cher ami,

le deuil qui vous a si cruellement frappé m'a empêché de vous entretenir plus tôt des affaires qui nous occupent en commun et qui m'ont beaucoup tourmenté ces derniers temps.

Balassa a dû vous faire savoir que nous sommes sérieusement en retard sur le rythme de travail qui avait été prévu. Pour une part, ce retard est dû à mon collaborateur qui a travaillé beaucoup plus lentement qu'il n'avait espéré. En outre, les deux premièrs mois, les expéditions ont été très mal organisées. A plusieurs reprises, j’ai dû chômer, pour recevoir ensuite plusieurs paquets de manuscrits d'un seul coup.

Mais laissons ces récriminations, si légitimes soient-elles. Les évoquer ne sert plus à rien. Il reste le fait très que le réel que le travail en cours a absorbé beaucoup plus de temps et de labeur que nous n'avions calculé.

Peu importe l'explication de ce fait. En réalité, il provient de la nécestité où nous sommes de faire une oeuvre originale et supérieure à celle de nos devanciers. Nous sommes obligés de constater que la tâche assumée est devenu un fardeau très onéreux.

Dès le début, j'avais, vous vous en souvenez, trouvé très bas le tarif de rétribution du travail à rédiger. D'autre part, j'avais protesté contre les délais impartis.

Je crois ne rien vous apprendre en vous disant que je plains les pauvres rédacteurs réduits à subsister entièrement d'un travail aussi ingrat et aussi peu rémunérateur.

Si j'étais seul, je renoncerais à cette tâche trop onéreuse et qui me distrait pour trop longtemps et trop complétement d'autres travaux plus utiles pour ma carrière.

Toutefois, par loyauté vis-à-vis de vous et de notre collaborateur Balassa, j'ai résolu de persister jusqu'au bout dans les conditions déterminées par notre contrat. La seule condition à laquelle je ne puis matériellement satisfaire est celle concernant le délai de remise du manuscrit complétement terminé.

Si sur ce dernier point, notre éditeur faisait des difficultés, je serais obligé de renoncer à une collaboration qui, je n'ai pas besoin de vous le répéter, m'est devenue extrêment onéreuse.

Et pourtant, j'aimerais attacher mon nom à l'oeuvre que nous avons entreprise en commun. Après un travail de quatre mois je crois pouvoir affirmer que notre ouvrage sera nettement meilleur que le Langenscheidt dont nous avons pris modèle. J'ai tenu à vérifier point par point tout le travail du côte français sur les fiches qui vous sont soumises. Votre précieuse vérification et celle de Balassa vont m’assurrer une parfaite exactitude du côté hongrois. De mon côte, je me prépare à exercer la plus vigilante des critiques en ce qûi concerne les fiches de votre partis.

Sur ce point, je vous mettrai en garde contre certaines illusions. Je ne crois pas qu'on puisse remédier au retard encouru par l'embauchage d'un plus grand nombre de collaborateurs. Il faudra en dernier ressort que ce soit moi qui vérifie toutes les fiches. Or je ne puis faire décemment ce travail qu'après avoir moi-même mis en français l'ensemble du lexique hongrois. Tout le travail que je suis en train d'effectuer me prépare directement à cette oeuvre de revision dont l'importance est essentielle. Vous savez que d'autre part, je ne consentirai jamais à voir figurer mon nom sur la couverture d'un livre que je n'aurais pas contrôlé. Cela me coûterait trop cher au point de vue de ma carrière scientifique et deplus notre éditeur n'y gagnerait rien.

Quant à me faire aider dans la rédaction de la partie hongroise-française, j'ai dû y renoncer. Tout ce que je peux faire est de continuer dans le sens où je me suis engagé. Une fiche mise en français par un hongrois ou un français insuffisamment sûr de son français, ce qui ne manquerait pas d’être le cas, devrait être refaite par moi et cela mettrait autant de temps. La seule différence serait que ma rétribution deviendrait nulle et alors je renoncerais tout de suite à une plaisanterie qui serait du plus mauvais goût.

Je ne sais ce que voue allez décider. J’ignore ce que va dire ou faire notre éditeur. D’autre part, Balassa a négligé de me faire savoir l'état exact où en est la rédaction de la partie française-hongroise. Dans ces conditions, tout élément d’appréciation me fait défaut. Néanmoins, à la veille de mon retour à Pest, j'ai cru devoir vous mettre très franchement au courant de la situation telle qu'elle m'apparaît.

Je le répète, je suis résolu à continuer jusqu'au bout, pourvu que l'on ne cause aucun ennui pour le retard involontaire que nous avons subi.

A bientôt, je l'espère, et dites mes hommages à Madame Benedek. Croyez-moi toujours votre inaltréblement dévoué

Aurélien Sauvageot