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Franco-Hungarian Literary Relations

SA033

l’avenue Maurice Blondel 13100 Aix en Provence
Date: 12-05-1985
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 2

Mon cher ami,

merci pour votre lettre du 22 avril, qui m »est parvenue seulement le 3 mai.Je vais essayer de répondre à vos questions d'abord et ensuite je vous entretiendrai du reste.

Pour ce, est du Cousin Pons, c'est dans le 3-e chapitre que se trouve l'allusion à mon arrière-grand-oncle. Si vous allez un jour au Louvre, vous pourrez y voir des objets ayant appartenu à sa collection, auxquels s'ajoutent quelques reliques données par mon grand-père Claude-Sauvageot, le graveur de Viollet-le-duc dont il était l'ami. Il me semble qu'il y a eu aussi quelques dons de mon grand-oncle Charles-Louis, qui a été le collabotateur de Viollet-le-Duc (il a assisté ce dernier dans la restauration de la Sainte-Chapelle avant d'être architecte en chef de la Ville de Paris et Inspecteur Général des Monuments Historiques). C'est mon grand-oncle qui a restauré St. Pierre de Montmartre, entre autres choses. Et puisque sous y sommes, sachez aussi qu' il y a une rue Sauvageot, toute petite et étroite, qui est près de rue de la rue de la Gaîté...

Je ne me rappelle pas qui est cet Hubert Dubois auquel vo avez fait lire ce livre qui l'a « amusé ». Tant mieux s'il trouve amusante la trggédie d'une nation asservie letant désespérément por sa survie. Par contre, j'ai beaucoup amusé quelques uns de nies amis en leur révnant que j'ai un « style » et un « ton » « quelque peu péremptoires ». Quant moi,je ne me suis jamais préoccupé d'avoir un « style » ou un « ton ».Je m'efforce d'écrire un français aussi clair et aussi simple que possible.Ce n'est déjà pas si facile.

J'ai lu avec plaisir votre propes sur le Canard Enchaîné. Lequel, entre parenthèses, n'est pas aussi enthousiaste que le personnel de chez Lipp à l'endroit du fameux Hanin, ni das [ ?] autres manifestations de népotisme de t'actuel chef de l'Etat. même personnel n'a pas l'air d'avoir de souvenirs trop précis de la fameuse affaire Pesquet qui a révélé chez sa victime une singulière naiveté. Elle n'est pas oubliée par tout le mande. A propos des cafés ou brasseries littéraires (et artistiques,politiques, etc), il faudrait aussi mentionner la Rotonde,le Balzar (rue des Ecoles) sans parler de la Chope Latine disparue, le Fouquet's, etc,etc. J'avoue que Lipp ne m'a pas laissé de très bons souvenirs. O y mangeait/mal et l'installation faisait regretter le Központi et quelques autres beaux établissements de chez vous. J'y suis pourtant allé assez souvent.C'était, en particulier, le lieu où se rencontraient les slavistes et pas mal de mes collègues des Langues Orientales. Le public était très mêlé. Ce qui’il faudrait signal, c'est qu'à une certaine époque, les étrangers se répartissaient selon certains établissements. Les Nordiques fréquentaient le Procope et la Chope Latine,auparavant, ils s'étaient installés au Versailles (avec Strindberg). Les Américains préféraient soit le Maheu (les intellectuels), soit le Hole in the Wall. Il y avait aussi la Coupole, etc, etc.Je ne sais plus ce qu'il en est mais je crois que d'importants changements se sont produits.

Pour ce qui est du quartier St. Germain,vous avez omis de rappeler que le fameux poème désigné sous le titre Ómagyar Mária-Siralom s'est inspiré du {Planctus Mariae de Geoffroi de Breteuil|}. C'est, autant que je sache leplus ancien monument des relations spirituelles entre Français et Hongrois.

J'allais terminer ces lignes quand j'ai  reçu une lettre de Corvina, signe de László Boros qui m'apprend que les experts se son prononcés en faveur de la publication de mes « Souvenirs » de Hongrie mais que la décision appartient aux dirigeants « et même à un niveau supérieur ».J'attendrai donc.Ce que je penseine lettre de les expertee "Souvenirs" de "et mièm, c'est qu'il ne faudrait pas attendre indéfiniment.Pour des raisons qui frappent sans doute assez peu les « décideurs » de Pest mais qui tiennent à la situation en France. Nous allons entrer dans une période électorale très âpre qui concentrera toute l'attention du public.C'est que les lecteurs qu'il nous faut gagner sont en partie préoccupés par la vie politique.Je le constate autour de moi, même chez ceux qui ont lu mon manuscrit et ont porté intérêt.Malheureusement, ils ne sont pas des éditeurs sans quoi, il y a longtemps que je serais publié.Le problème, c'est la diffusion.Heureusement, les choses ont changé depuis 1937.Un certain public connaît mon nom à la suite des publications que j'ai consacrées au français. Le « Français écrit – Français parlé », sorti chez Larousse, a fait plus de 50.000 exemplaires et il continue h se vendre h plus 'un millier d'exemplaires par an. L’Analyse du Français Parlé, de chez Hachette, a suivi et confirmé ce succès. Vous pourrez en juger les effets par une coupure du Figaro ci-jointe.C'est une publicité gratuite qui n'est pas négligeable puisque c'est paru dans le journal qui a la plus grande diffusion en France.Mais, me direz-vous, comment se fait-il alors que je n'ai pas trouvé d'éditeur français ? La vérité est que je n'ai pas fait d'effort de ce caté-là.Pourquoi? Parce que j'ai hésité à faire des gens.Par ailleurs, ils font partie de mes mémoires, rédigés jusqu' à la date de 1951 et que je compte achever jusqu' à 1968. Ces mémoires contiennent beaucoup de précisians sur une quantité de choses,certaines tombent même sous l'obligation de réserve h laquelle je suis tenu en tant que fonctionnaire et ancien officier de Marine. C'est à mon petit-fils, Marc, ancien Normalien comme moi, historien, professeur au. lycée Delambre d'Amiens,qu’il incombera de publier ces textes.Si je les ai rédigés à part, c'est parce que je ne voulaispas les eler aux événements qui ont marqué par ailleurs ma carrire et ma vie privée. Par là,je voulais (et veux toujours ) signaler que l'expérience hongroise, m'a paru ce qu'il y a eu de plus remarqable dans ma carrière comme aussi dans l'évolution de ma pensée. J'ai pensé qz il [ ?] fallait le proclamer. L'expérience finlandaise ne m'avait pas forcé à procéder ce que Nietzsche a appelé « eine Umwerturg aller Werte ». J'était allémaniste, scandinaviste surtout, sans parler de mes liens particuliers avec les Britanniques.Si j'avais pu rester scandinaviste, comme je le sonaitais [ ?], je n'aurais pas changé de monde.J'aurais eu une carrire à ; peu pas tranquille.Les liens qui m'ont attaché à votre patrie  ont tout changé.J'ai commencé à comprendre des choses dont je ne me serais jamais douté.Je n'ai pas pu rester neutre.Je re connais que vous non plus n'êtes pas restés neutrs envers moi. Vous le savez mieux que personne.C'est pourquoi, après une longue hésitation, j'ai finalement envoyé à Corvina et Magvető les photocopies qu'ils ne cessaient de me demander.Ils ont pu lire mie le drame qu'a vécu la nation hongroise est devenu mon drame.Je pense que c'est ce qui a ému Pődör puisqu'il était mon élève et a été témoin de ce qui s'est passé.Vous aussi, vous avez été témoin d'une partie de ce cri a suivi.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que l'une des plus grandes satisfactions que j'ai éprouvées dans ma vie a été la résurrection de votre nation.Je dis bien nation puisque tant de Hongrois vivent en exil ou sous une domination étranere qui les opprime. La civilisation hongroise poursuit sa mission. Je dirai même que, par moments, je suis plus rassuré  sur son avenir que sur celui de la France.

Vous me demandiez si le printemps étnit arrive comme chez vous.Hélas, c'est le plein hiver qui est revenu. Il pleut, il fait gris, les températures oscillent entre 7 et 13 degrés. On a froid.

Les gens ne se souviennent pas d'avoir cornu ur pareil temps en avril et en mai. Nous n'avions pas besoin de ces intempéries pour accentuer la morosité.Le mécontentement règne partout et l'on perçoit partout ǀ: aussi :ǀ une colère sourde qui. pourrait bien éclater un jour.

J'espère que vous allez bien ainsi que ceux qui vous en-tourent. Croyez-moi votre tout dévoué

Aurélien Sauvageot