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Franco-Hungarian Literary Relations

SA035

l’avenue Maurice Blondel 13100 Aix en Provence
Date: 07-11-1979
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Typed letter
Publisher: Tüskés Anna (26-10-2017)
Folio number: 1

Mon cher ami,

merci pour votre aimable lettre et les coupures qu'elle m'a apportées.Je vois que vous poursuivez systématiquement vos recherches et vous avez raison parce qu'elles montrent pourquoi et comment les relations entre les Hongrois (je ne dis pas la Hongrie) et la France ont pu intervenir dans le développement intellectuel de nos deux pays.

C'est entendu, je suis l'affaire Louis XVII et je vous tiendrai au courant.

Je n'ai pas retrouvé dans les papiers que je mets de côté la coupure du Matin contentant l'attaque de Kassai. Je n'y ai pas d'ailleurs répondu car j'ai considéré cette petite agression comme méprisable et le quotidien en question s'est déjà distingué par des publications de ce genre qui me rappellent l'époque où j'étais « mis au pilori » par Gringoire et Je suis partout. Il paraît que je suis l'expression même du « racisme linguistique français », que nulle autre langue que le français ne me parait soutenir la critique,etc,etc.Tout cela illustré (?) par un extrait tronqué d'un article paru de moi en 1962 dans Vie et langage (qui a cessé de paraître en 1985 parce que Larousse ne trouvait pas* rentable de l'éditer). Ce qui m'a choqué, ce ne sont pas ces billevesées mais le comportement de leur auteur. Le raciste que je suis a été, à sa demande, son parrain pour' être accepté au Centre National de la Recherche scientifique. Et je n'insisterai pas sur les autres occasions où je lui ai rendu service. Je n'aime pas l'ingratitude et surtout elle me surprend de la part de quelqu'un qui se dit hongrois alors que je ne connais pas de peuple plus reconnaissant. Le moindre geste qu' on fait d'amitié ou de sympathie à l'égard de la Hongrie est récompensé de la part des Hongrois par tant d'amitié et de gratitude qu'on ne peut pas ne pas en être touché.Mais,me direz-vous, il y a des exceptions. Sans doute. Pour ma part, je n'en ai guère rencontré.

Pour ce qui est du galimatias universel, vous avez raison. C'et un phénomène de civilisation et il révèle que ce qui s'est passé dans le monde depuis la seconde guerre mondiale a, si je puis dire, unifié les peuples plus qu'on ne le croit et cela en dépit de toutes les divergences politiques et autres.J' <...> avais été frappé quand je me suis retrouvé à Pest en 1964,dans les circonstances que vous savez, par le formidable bond en avant que la nation avait fait. Je l'avais connue sous le joug d'un féodalisme incroyable et je la retrouvais toute proche de moi, métamorphosée en une nation moderne. Et si j'en juge par les documents que vos pouvoirs publics ont la générosité de me faire parvenir, le progrès se poursuit sans désemparer. Pour qui est à l'écoute de la Hongrie tous les jours il est passionnant de suivre ce processus.

Naturellement, je fais tout ce que je peux pour informer mes amis et connaissances et je constate, une fois de plus, que ce ne sont pas les publications de propagande rédigées dans un français plus qu'approximatif qui retiennent l’attention du public français mais les récits, les controverses, les réflexions que l'on lit dans les revues et les périodiques hongrois destinés à l'usage [ ?] intérieur. Un recueil bien choisi de ce qui paraît dans És, dans Kortárs ou dans Új írás ferait plus que des tonnes de Nouvelles études hongroises, du Livre hongrois, etc. Quand « les Hongrois parlent aux Hongrois » (pour actualiser une fameuse formule de la Radio de Londres sous l'occupation),on découvre combien ils sont proches de nous, avec leurs problèmes, leurs soucis, leurs incertitudes ou leur rouspétance (qui met tout de suite les Français en confiance). Il est seulement dommage que cela ne se réalise pas. Et puis, il y a une autre difficulté,d'ordre économique, celle-là : on ne peut pas se procurer de produits hongrois dans bien des cas.Ainsi, j’ai vu dans Magyar Hírek une magnifique réclame de blouses et de robes de style populaire hongrois et je connais des dames de mon entourage qui, à cette occasion, m'ont tout de suite demandé: où pourrai-je m'en procurer une? Or, je vous assure que si telle ou telle élégante, ici à Aix, s'exhibait avec un vêtement de cette qualité, cela ferait plus pour la cause de la Hongrie,que bien des discours. Car c'est en province que ces choses-là sont voyantes et non pas à Paris où le perpétuel tourbillon des modes emporte tout. Croyez-moi, la cause de la Hongrie, c'est dans la « France profonde » qu'elle triomphera et non plus dans une ville, qui est trop sollicitée de tous les côtés.

Ci-joint,vous trouverez un petit bouquin qui, je l'espère, vous intéressera.

En attendant, croyez-moi votre bien dévoué

Aurélien Sauvageot