Cher Monsieur Illyés,

Je suis très heureux d’apprendre par votre lettre du 10 courant que les choses sont en ordre, et que vous m’autorisez à faire le nécessaire pour que la revue sorte à partir de janvier. Après tous ces mois d'attente, c'est une très bonne nouvelle, et je commence donc mes préparatifs (sans partir exactement à zéro, parce que j’avais déjà, au cours des dernières semaines, établi des contacts qui n’engageaient pas expressément la revue).

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir toucher, si possible, à Paris, Albert Camus, Jean Paulhan et Paul Eluard, et leur demander confirmation de leur accord en ce qui concerne leur adhésion au comité de la revue. M. Gyergyai m’avait fait part de leur acceptation de principe, et je n'ai pas voulu les relancer jusqu'ici à ce sujet. Je me suis borné à écrire à Paulhan que je lui donnerais sous peu de plus amples renseignements sur Présence. Ces trois écrivains peuvent ętre atteints au siège des éditions Gallimard, rue Sébastien-Bottin, maison dont vous êtes vous-même un auteur.

Si, par ailleurs, il vous est possible de mettre sur la main sur tel ou tel texte très intéressant d'auteur français, je vous en serais reconnaissant. Nous éviterions ainsi une perte de temps. Mais les choses seront évidemment plus faciles à partir du numéro 2 ou 3.

Emfin, vous m’obligeriez beaucoup en étudiant peut-être les possibilités de collaboration hongroise pour les 2 premiers numéros, en recourant aux bons offices éventuels de Prudhommeaux, déjà fort familiarisé avec vos auteurs, et qui a certainement des traductions inédites (et bonnes) sous la main.

Je suis sans nouvelles de Miklos, mais suis heureux qu’il revienne vers la fin du mois. Je craignais un peu qu’il restât à Budapest. S'il est ici dans une quinzaine, les contacts n’en seront que plus faciles.

Si vous n'avez pas la possibilité de toucher MM. Paulhan, Camus et Eluard, je leur écrirai moi-même sous peu. Je crains que leur collaboration ne soit pas très nombreuse au début (et Eluard, me dit-on, est malade), mais leur appui à Paris est très important pour la revue.

J’attends toujours des nouvelles des Editions du Mont-Blanc au sujet de l’organisation commerciale de la revue. On me dit que je serai fixé sous peu. J’ai aussi pressenti les Editions Contemporaines, quai Wilson, qui seraient bien équipées pour cela, et ont également un siège à Paris.

Après quelques entretiens avec des écrivains de passage, je me demande si nous ne ferions pas bien, après tout, d'adopter la formule mensuelle, quittes à paraître au début sur 56 pages, pour ne pas excéder les limites du budget. Je vous donnerai toutes indications utiles par un prochaincourrier.

Je vous envoie, cher Monsieur Illyés, tous me messages très cordiaux et dévoués

Gilbert Trolliet