Mon cher Georges,

Depuis que le facteur me l’a remis il y a trois jours, nous nous sommes laissé le temps, Irène et moi, de lire et relire, avant de te remercier de cet envoi si affectueux, ton Piero della Francesca. Je me vanterais d’avoir gardé suffisamment en mémoire le détail des fresques vues il y a 43 ans, si je n’avais eu le secours du grand album, paru à Zürich et à Milan avec une introduction de Paolo d’Ancona et 28 reproductions en couleurs que j’ai très souvent feuilleté depuis, si bien que j’ai moins besoin de me rendre à Arezzo pour être dans une communication directe avec toi.

Ce qui me frappe en premier lieu, en dehors de la beauté de ta langue, c’est de voir à quelle richesse émotionelle d’évocations tu parviens, sans jamais que la sobriété des vers ou du texte qui les accompagne n’en souffre. Et pourtant il n’est guère de ligne où tu ne creuses en profondeur avec des allusions, des résonances qui élargissent à l’infini ta façon d’être lié spirituellement et comme physiquement avec le chef d’oeuvre. Et ce qui est miraculeux, à mes yeux, c’est de voir comment tu réussis à dépasser toute notion temporelle, pour situer ta vision dans un espace et dans une réalité qui sont bien, à la fois, exactement de là mais aussi d’un au-delà qui prend la signification d’une résurection véritable, sous le signe de l’ombre et de la lumière, du crépuscule et de l’aube dans leur prolongement symbolique. Cette manière qui est là la tienne d’être à la fois extrèmement dans le présnet et ailleurs, dans cette sphère illimité et inextinguible de la création, est une réussite que seul un poète aussi sensible et sans cesse traversé d’éclairs, dans la nuit des rêves, est en mesure d’atteindre.

De tout coeur encore merci de ce précieux petit volume. Nous t'embrassons très fort

François, Irén