Chère Madame et amie,
Je vous envoie ci-joint la réponse aux questions que vous m’avez posées pour établir une interview de moi dans les journaux allemands.
Bien cordialement à vous.
Henri Barbusse
Annexe
Annexe : 2 f. [gépirat melléklet a Monde hebdomadaire fejléces papirjan aut. alairassal]
28 février 1932
La
Société des Nations est un organisme qui a pour but essentiel de stabiliser les résultats de la guerre, c’est à dire les traités de paix. C’est ce maintien du statu suo auquel elle est adonnée, qui permet à ses avocats de dire qu’elle travaille pour la paix. Mais en réalité l’état de choses issu de la guerre même à de nouvelles guerres. Le traité de Versailles et ses succédannés sont basés sur le principe mensonger de la responsabilité unique de l’Allemagne et la transformation de l’Europe qu’ils ont établie n’a pour but que de favoriser les pays vainqueurs. On a beau broder là dessus toutes sortes de considérations sur la paix et la civilisation : il n’en résulte pas moins que, théoriquement, il y aura des guerres tant qu’il y aura du captalisme et, en fait, la
Société des Nations a pour objectif de mettre obstacle à la seule sincère et efficace lutte contre la guerre, laquelle devrait consister à établir un statut équitable dans chaque pays et dans tous.
Le briandisme – je réponds à la deuxième question – n’était pas une force véritablement démocratique mais bien éidemment un camoufflage de la politique du grand capitalisme.
3o – En Allemagne la situation est tragique en partie à cause des traités de paix et des obligations draconniennes et injustifiées imposées par le vainqueur, mais aussi, et surtout, à cause de la crise générale qui est celle du capitalisme et qui dépend d’une surproduction générale que chaque pays voudrait pouvoir conserver à son profit au détrment des autres. La préparation de la production dans le monde est mal faite par suite du cloisonnement nationaliste qui insiste chaque pays à chercher des moyens artificiel, pour conquérir ou conserver une situation avantageuse (protectionnisme). Le mouvement hitlérien, dont les organisateurs intéressés du Traité de Versailles sont les responsables, peut pousser l’Allemagne à se révolter contre l’assujettissement du plan Young ou autres, mais ne pourrait, s’il triomphait qu’aggraver sa situation économique en nationalisant son industrie et en étouffant les mouvements ouvriers seuls susceptibles de tirer d’affaire les grands pays modernes autres que la Russie, impliquiés dans une politique contradictoire d’expansion nationaliste.
5o – La France, ou plutôt la France officielle, se trouve en effet isolée, seule de son avis. Il y a bien longtemps qu’elle est en contradiction avec les principes révolutionnaires de 1789, mais les autres grandes puissances, tout en penchant vers la revision des traités, pour jeter du lest et aussi pour faire échec à la France, et pour satisfaire certains buts politiques particulière, n’envisagent pas plus qu’elle les larges solutions qu’exige la crise définitive où la « civilisation » est actuellement engagée.
6o – La seule solution est une modification logique de l’humanité, un boulversement des rapports sociaux dans lequel les masses prolétariennes prendraient effectivement le pouvoir. C’est la seule chance de salut. Elle ont dans l’ordre des choses et on s’y achemine fatalement. Ceux qui la combattent empoient des expédients et des illustionismes de financiers acculés et d’avocats grandiloquents qui ne cherchent qu’à gagner du temps et à donner le change.
Henri Barbusse