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Franco-Hungarian Literary Relations

NNA001

Budapest
Budapest
Date: Around July-August 1939
Language: French
Repository: Petőfi Museum of Literature
Document type: Letter written by hand
Publisher: Tüskés Anna (21-04-2017)
Folio number: 2

Agy

Je commence par une prière : excusez cette pauvre lettre : elle sera comme tous mes actes toutes mes paroles avec vous : maladroite, stupide ; gardez-là pour vous seule je vous en supplie ; la montrer, en parler ce serait la cruauté suprème.

Si elle vous fait rire tant pis pour moi : j’ai cinq ans de plus que vous, Agy, et pourtant sitot que vous êtes en face de moi, je suis comme un tout petit garçon. Je suis paralysé, incapable de dire une parole. Pourquoi ? Autrefois quand vous parliez il me suffisait d’écouter pour être transporté dans un monde d’enchantement, un jardin de magie ; quoi qu’il arrive je n’oublierai jamais l’heure merveilleuse que je vous dois et dont vous ne vous souvenez plus : chez Klari quand les tziganes jouaient de vieilles chansons. Pourquoi aurais-je parlé moi-même rompu le charme ? – Maintenant c’est comme l’enfer : un regard, un geste, un sourire pour un autre me donnent le désir de m’anéantir dans l’air comme une bulle de savon de m’enfoncer sous terre comme un ver, une taupe ; hier soir avec Bela quand vous avez joué cette comédie terrible j’aurais voulu être bien loin, où à la place de Bela pour supprimer cette dualité atroce, cette caricature ridicule de mes sentiments.

Je sais que je dois vous sembler completement stupide ; à votre place j’en penserais tout autant ; plus que stupide même, ridicule, faible, lâche ; jamais je n’ai été ainsi avant de vous voir, Agy, faites moi au moins la grâce de le croire. Et, avez-vous, je penserais qu’en écrivant je pourrais vous dire quelque chose et même ainsi je m’aperçois que ce que je voudrais dire ne peut arriver à s’exprimer. Je ne suis pas beau, je le sais, et pour vous être odieux ou indifférent, je n’avais pas besoin de vous paraitre stupide, sans relief, sans personnalité sans courage. Que pensez-vous exactement de moi ? Comment pourrais-je être quelque chose pour vous ? Je ne vois aucune issue. Et pourtant j’ai besoin de vous, Agy, c’est pourquoi j’ai fini par écrire cette lettre, ne ,’en veuillez pas trop je vous en prie, mais je me fais l’impression d’un naufragé sur une mer sans île, ceinte d’horison, je ne suis plus « moi »

Si cette lettre n’éveille en vous que l’ennui, la colère ou l’indifférence ne le montrez pas trop, Agy, ne me tournez pas en dérision, n’en riez pas avec les autres. Je me moque de l’opinion des autres croyez le bien mais pas de ce que vous pouvez faire. Si vous voulez me porter secours je vous en serais reconnaissant toute me vie

Comment terminer une pareille lettre par une banale formule de politesse vide de sens

Raymond